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Google et Motorola

Google nous a habitué à des annonces fracassantes, achetant à grand coup de milliards des entreprises aux noms obscurs. Des start-up leader dans leur domaine, mais parfois un domaine méconnu du grand public. Et il y a les coups d’éclat comme le rachat de Motorola en 2012. L’ancien fleuron des mobiles avait le vent contre lui mais Google pensait pouvoir redresser la barre. Toute fin du mois de janvier, Google annonce la revente à Ienovo le géant chinois de sa firme Motorola.

 La revente de Motorola par Google

Acheté 12,5 milliards, revendu 3, on imagine donc une perte sèche assez conséquente pour la firme de Mountain View. Toutefois, le calcul est plus complexe et encore une fois Google n’a pas réalisé une mauvaise opération. En rachetant Motorola, Google avait deux objectifs, produire lui aussi des téléphones comme tous ces constructeurs qui s’équipent d’Android. Il voulait aussi récupérer les brevets de la marque. Dans le monde de l’informatique, on dépose des brevets dans un nombre incalculable, chacun pouvant déposer un brevet dès qu’il invente un geste ou une procédure nouvelle. Une barre de progression de téléchargement dans un logiciel qui change d’un autre modèle et voilà un brevet. En tant que tel, une bien faible quantité apporte des innovations technologiques. Mais chacun peut s’estimer avoir été lésé par un concurrent qui aurait déposé un brevet pour quelque chose de similaire. C’est là l’origine des nombreux procès qui existent entre les constructeurs de smartphones et tablettes. C’est pour se prémunir au mieux de ces incessantes attaques que Google avait racheté l’énorme base de brevet de Motorola.

Un portefeuille de brevets en poche ?

Aujourd’hui Google se sépare donc de sa branche Motorola. Avec les 3 milliards d’aujourd’hui et les 2,5 milliards récupérés courant 2013 pour la revente de la branche des box internet/tv, la perte est déjà moins conséquente qu’il n’y paraît. C’était surtout une façon d’acheter un ensemble de brevet tout en tentant l’aventure de la conception de smartphone. Si Google a bien acheté ses brevets chers par rapport à leur vraie valeur, la plus grande remarque à se faire c’est surtout qu’elle n’a pas du relancer la marque Motorola. Si le Moto X a eu un certain succès d’estime, il n’a pas conquis, aussi bien sur le marché européen qu’américain, un public déjà acquis à la cause d’autres grandes marques.

Il était tentant de sauter sur Google. Le géant inattaquable aurait-il enfin un premier signe de faiblesse ? Non, même en se débarrassant d’une branche clairement non rentable, Google démontre clairement qu’il maîtrise la situation. Et si même le rachat des brevets est payé un peu fort, 50 milliards de dollars en réserve permet de voir venir.

google - motorola

Affaire de Panama, journaux et “publicité”

Publicité, journaux et politique au moment de l’Affaire de Panama

Le point de vue d’un journaliste boulangiste

Ferdinand de Lesseps en 1873 par le peinter Bonnat

Ferdinand de Lesseps en 1873 par le peintre Bonnat

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Au moment de l’Affaire de Panama, le rôle de la Presse et des « publicités » vantant la société érigeant le premier canal de Panama fut mise en cause. Il nous a paru intéressant de citer ici l’extrait d’un article d’un journaliste de l’Autorité qui s’attache à définir la « publicité » dans les journaux.

Précisons que ce journal « l’Autorité » fut fondé par l’auteur de l’article Paul Granier de Cassagnac (1843-1904), député du Gers (1876, 1879, 1885, 1889, 1898), il incarna le bonapartisme ultra, récusant à la fois la République et le prince Jérôme Bonaparte. Il devint un des chefs du boulangisme et s’opposa à la politique de ralliement préconisée par Léon XIII. Il convient de garder à l’esprit l’orientation de l’auteur de l’article cité ci-dessous.

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.“La publicité dans les journaux.

Chez nous.(le journal “l’Autorité)

À l’occasion des affaires du Panama, on a beaucoup parlé de la publicité par les journaux.

C’est une question intéressante à traiter.

Car, ainsi que le disait un journal républicain radical, le Voltaire : « l‘opinion publique est en train de s’égarer sur le rôle de la presse dans l’affaire de Panama. »

Et le même journal posait très bien la question en ajoutant :

« Des sommes ont été versées aux journaux ; certes mais doit-on les considérer comme des pots-de-vin et faire un crime aux administrateurs d’avoir réalisé des bénéfices par la publicité ? Voudrait donc essayer de la supprimer ? Ce serait peine perdu aujourd’hui.

Le rôle de la publicité, en effet, est maintenant considérable ; il n’est que personne qui n’en soit absolument affolée : aussi bien la mondaine pour son salon littéraire, l’écrivain pour son nouveau roman, l’homme politique pour son récent discours, le pharmacien pour sa nouvelle panacée, le financier, pour son émission ! Tous de se ruer à l’assaut de ses réclames dont les feuilles publiques abondent et qui se retrouve aussi dans les théâtres, sur les murs de la ville, dans les chemins de fer, enfin en tous endroits.

Que dirait-on à la compagnie de l’Ouest, par exemple, d’un conseil d’administration qui refuserait dans les wagons une de ces annonces qui coûtent si cher à un industriel désireux de lancer ses produits. Tête ? Impitoyablement, on lui reprocherait sa négligence, cause d’une large diminution de bénéfice.

Il en est absolument d’eux-mêmes dans un journal ; et, d’autre part, l’on ne peut raisonnablement demander un administrateur de répondre au public de la valeur du produit qu’il recommande. »

Un autre journal républicain, organe de M. le sénateur manié, s’exprime dans le même ordre d’idées :

« Notre quatrième page, à nous autres, c’est notre moyen d’existence. Un journal à des critiques pour l’art, le théâtre et la littérature ; il n’a pas encore pensé à en prendre un pour les annonces et, pour les annonces et il ne garantit pas plus et il ne garantit pas plus la bonté d’une affaire dont il indique les conditions, qu’il ne garantit la lucidité d’un somnambule coulé dixit l’exiguïté de la tâche d’une jeune personne à marier, recourant à sa publicité, qu’il a le droit de vendre le prix qui lui plaît.

La location d’une feuille de papier, attend la ligne, on gage bien moins la conscience d’un directeur de journal que la location de l’éloquence d’un avocat, pour une mauvaise cause, n’engage le défenseur. »

Cela dit, une interrogation se pose à laquelle répondent point les deux journaux républicains que nous venons de citer.

Où commence l’annonce et où finit-elle ?

Jusqu’à quelle limite doit aller la publicité des journaux.

Car nous la mettrons jamais, pour l’honneur des journaux honnêtes, que l’annonce doive tout envahir et que la publicité soit illimitée.

Un journal admirablement placé pour cela, et rédigé par un des écrivains les plus remarquables de notre temps, M. Paul le roi Baulieu, répond de la façon la plus lumineuse aux interrogations que nous avons posées.

L’économiste français dit :

« Personne ne contestera aux journaux le droit de faire payer, même largement, leur publicité, mais à la condition que cette publicité se présente au lecteur avec le caractère manifeste de simples communications venant du dehors et qu’elles n’apparaissent pas comme des conseils que le journal donnerait, de son propre cru, par sa propre inspiration, après réflexion et à la suite d’un examen impartial.

Tout ce qui se dit sur le droit de vendre la publicité d’un journal tomba fou quand il s’agit de sommes absolument disproportionnées avec le prix des annonces, et quand il s’agit d’articles dithyrambiques n’ayant aucunement, pour les lecteurs non-initiés, l’apparence d’un simple prospectus. En confondant ainsi les articles la publicité, il est clair que la presse est en train de perdre toute autorité ; elle ne sera plus considérée que comme un recueil d’informations, dont on doit singulièrement se défier. »

Mr Paul Leroy-Baulieu est tout à fait dans le vrai.

Les journaux ont le droit de faire payer largement leur publicité, suivant l’importance de leur tirage.

Mais un journal qui se respecte n’a pas le droit de faire des articles de publier des articles, en dehors de la quatrième page, consacré aux annonces qui réclament, et en dehors du bulletin financier pour donner des conseils, qu’il sait être mauvais, sur les affaires financières.

Car il ne faut pas confondre les articles et la publicité.

La publicité est que ces, c’est l’affiche, dont on n’est pas responsable. Les articles, c’est le journal, et on n’en est responsable.”

Paul de Cassagnac

Source : Titre : La publicité dans les journaux / [signé : Paul de Cassagnac] Auteur : Cassagnac, Paul de (1842-1904) Éditeur : impr. de P. Dupont (Paris) – Date d’édition : 1893 – Format : 24 p. ; in-18