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Le marché lieu de négoce au XIXe siècle

LE MARCHE AU XIXE SIECLE – LES REGLES DU NEGOCE AMBULANT EN FRANCE

MARCHÉ. Antiquité romaine.

Niort's market hall.
photo credit: dynamosquito

Primitivement le maeellum ou marché se confondait avec le forum. Plus tard, quand la vie publique eut encombré le forum romain, et que d’ailleurs le développement de la ville exigea des approvisionnements considérables, il y eut plusieurs marchés où les denrées se vendaient par spécialités, d’où chaque forum tirait son nom. C’est ainsi que l’on eut le forum boarium- (où l’on vendait les bœufs), le forum vinarium (pour le vin), piscatorium (pour le poisson), le forum ou maeellum cupedinis, où l’on vendait les plus fins comestibles et les mets tout cuits et prêts à emporter.
Mais peu à peu ces marchés locaux et spéciaux firent place à de vastes halles qui reçurent communément le nom de maeellum, et où l’on vendait de tout (Varron, De Ling, lai., V, 447). On connaît notamment le maeellum magnum sur le Cœlius (Curiosum Urbis, Reg. H), sans doute le même que le maeellum Augusti restauré ou embelli par Néron, le maeellum Liviœ sur l’Esquilin (Curiosum Urbis, lieg. V) appelé aussi forum Esquilinum, car cette antique appellation ne disparaît pas entièrement (Lanciani, Aneient Home in the light of récentDiscoverîes, p. 152). Il est probable que chaque quartier de la ville eufson maeellum (Acro ap. Horat., Serm. I,6,418 ; Jordan, Topographie der Stadt Rom im Allerthum, II, p. 115). Lorsque l’on promulguait des lois somptuaires, des gardes spéciaux étaient affectés au service des marchés et devaient confisquer les denrées interdites

Architecture du marché

Place affectée,dans les vïlles,à la vente des denrées et autres objets nécessaires à l’existence. Les premiers marchés furent établis le plus souvent sans abris ou tout au moins sans abris disposés suivant un plan uniforme ; mais peu à peu, on prit l’habitude, dès l’antiquité, de réserver autour des places servant de marchés des portiques au rez-de-chaussée des maisons avoisinantes et plus tard enfin on construisit de véritables édifiées de bois, puis de pierre, largement ouverts à leur partie inférieure et dans lesquels allaient et venaient les marchands qui y exposaient et vendaient leurs denrées. Vagora chez les Grecs, le forum chez les Romains, et, de nos jours, le bazar, chez les Orientaux, répondent à ce que nous appelons marché, taudis que le mot halle indique plutôt une sorte de marché central, pour une ville ou pour un quartier d’une grande ville, marché réunissant plusieurs genres de commerce. De nos jours, l’emploi du métal, comme élément principal de la construction des marchés et des telles, a permis de leur donner des dimensions et des proportions jusqu’alors peu usitées et a créé, pour ces édificies comme pour les docks et les gares de chemins de fer, une architecture métallique, caractéristique des progrès de l’art et de la science au xixe siècle

Marché Côte-des-Neiges - tomate rouge 2$ le panier
photo credit: abdallahh

Droit administratif applicable aux marchés du XIXe siècle.

Au sens restreint du mot, les marchés ou halles sont les constructions édifiées sur les places publiques où se réunissent, à des dates fixées, les marchands, pour les abriter eux et leurs marchandises. Mais l’emploi du mot marché s’est étendu aux emplacements eux-mêmes, à l’ensemble des marchands et désigne aujourd’hui, d’une façon générale, les réunions régulièrement tenues par les marchands à des jours et heures déterminés. On les distingue en foires ouvertes au commerce de toutes espèces de marchandises ; marchés aux “bestiaux, réserves aux animaux vivants ; marchés d’approvisionnement pour les denrées alimentaires, comestibles de toutes natures, matières premières et ustensiles, nécessaires à la population locale.

Etablissement d’un marché au XIXe siècle. — Dès le XIIIe siècle, on se préoccupa d’en réglementer rétablissement et la tenue. Au roi seul appartenait le droit d’en autoriser rétablissement. Les seigneurs faisaient construire et aménager les halles, les faisaient surveiller et étaient autorisés à percevoir des droits de hallage et de placage. Des ordonnances royales avaient créé les offices de mesureurs, vendeurs, peseurs,etc. La Révolution enleva ce droit aux seigneurs, ne leur laissant que la propriété des bâtiments qu’ils avaient construits; mais la loi des 15-28 mars 1790 décida qu’ils devraient s’entendre avec les municipalités pour les leur vendre ou louer.

Plus tard, la loi des 16-24 août 1790 confia aux corps municipaux la police et l’approvisionnement des halles et marchés en même temps que l’inspection de la fidélité du débit et de la salubrité des denrées qui y étaient vendues. Pour Paris, les arrêtés des consuls de messidor an VIII et 3 brumaire an IX donnaient au préfet de police les pouvoirs confiés aux municipalités. Les délibérations des municipalités concernant l’établissement ou la suppression des halles devaient être soumises à l’approbation d’une autorité supérieure. Sous les arrêtés des consuls du 7 thermidor an VIII, c’était aux consuls que ce droit d’approbation appartenait, après avis du préfet et du ministre de l’intérieur, ou à celui-ci avec l’avis du préfet, quand il ne s’agissait que de simples marchés d’approvIsionnement. Les art. 68 et 97 de la loi du 5 avr. 1884 n’ont fait que confirmer, ainsi que l’avait déjà fait la loi du 24 juil. 1867,1e droit des municipalités, réservant à l’autorité compétente l’approbation, sauf en ce qui concerne les marchés d’approvisionnement dont la réglementation est expressément laissée aux municipalités. Pour les autres marchés, le projet, une fois arrêté par la municipalité, doit être mis à l’enquête. Celle-ci doit réunir l’avis de toutes les communes situées dans un rayon de 2 myriamètres.

Droits de place. — Les communes ont la faculté de fixer un droit pour les places occupées par les marchands dans les halles et marchés. Cette perception fut, à l’origine, autorisée parla loi du 41 frimaire an VII, art. 6, n° 3. Ces droits ne doivent être que des droits de place, c.-à-d. être calculés d’après la surface occupée sans avoir égard à la valeur de la marchandise vendue ; mais, dans la pratique, on fixe divers tarifs applicables aux différents pavillons des halles et dont la base ou unité du droit varie avec la valeur de la marchandise vendue dans chaque pavillon. Le tarif des droits de place, établi parla municipalité, ne devient applicable qu’après l’approbation du préfet. C’est ce qu’a décidé la loi du 5 avr.1884 dans ses art. 68-69 et 133 combinés, confirmant en ceci les dispositions du décret du 25 mars 1852 et abrogeant le droit donné au conseil municipal par la loi du 24 juil. 1867 d’établir seul et sans contrôle les tarifs des droits de place. La commune peut ne pas procéder elle-même à la perception des droits et se substituer un adjudicataire auquel elle cède, moyennant une redevance, le droit de percevoir en ses lieu et place les montants des droits suivant le tarif ainsi arrêté. Cette cession se fait sous l’une des trois formes suivantes : ferme, régie simple ou régie intéressée. Elle doit être réalisée par voie d’adjudication aux enchères publiques et à l’extinction des feux, au chef-lieu de la commune, sous la présidence du maire, assisté de deux conseillers et du receveur municipal.

Peseurs, mesureurs, facteurs. — Pour assurer l’exécution des mesures prescrites par la municipalité, des agents spéciaux sont nécessaires, notamment des facteurs et porteurs commissionnés, des peseurs, mesureurs, jaugeurs publics, etc. La loi du 5 avr. 1884 autorise donc la municipalité à constituer sur le marché des porteurs ou agents commissionnés pour procéder, à l’exclusion de tous autres individus, mais sans cependant que leur ministère soit obligatoire, aux ventes auxquelles les pourvoyeurs peuvent procéder eux-mêmes. Aux termes de l’arrêté du 7 brumaire an IX et de la loi du 9 floréal an X des bureaux de poids publics peuvent être installés dans l’enceinte des marchés. Le décret du 25 mars 1852 réserve aux préfets le droit d’approuver l’arrêté municipal en prescrivant rétablissement ainsi que le tarif des droits de pesage.

marché du jeudi (ORANGE,FR84)
photo credit: jean-louis zimmermann

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Source : grande Encyclopédie du XIXe siècle (BNF)

Métiers du négoce : l’Epicier

Les métiers de la marchandise : l’épicier du Moyen-Age au XVIIIeme siècle

Village de Castelnaud vu d'en bas
photo credit: Marc Lacoste

“L’épicier proprement dit fut primitivement chez nous le marchand de gros, l’épicier grossier (les Anglais désignent encore leur épicerie sous le nom de grocery). Il recevait de première main les drogues et les épices, et les vendait soit au détaillant, soit directement au consommateur. Le détaillant n’appartenait pas au corps de l’épicerie son nom officiel était regrattier il débitait, non seulement de l’épicerie, mais du pain, du sel, du fromage, des œufs, du poisson de mer, de la volaille, du gibier. Il pouvait être établi en boutique, mais le plus souvent il était marchand ambulant et, depuis le matin jusqu’au couvre-feu, il allait par les rues joignant sa mélopée aux autres crieries de Paris. L’acheteur qui se respectait faisait ses emplettes chez l’épicier. Mais à petite bourse petit marchand le menu peuple accordait ses préférences à l’éventaire du regrattier; il le trouvait à sa portée et répondait à l’appel.

Le regrattier ne put forcer les cadres de l’épicerie aussi longtemps que les monopoles subsistèrent; mais, après la Révolution, le premier venu, pourvu qu’il payât patente, eut les mêmes droits que les anciens maîtres, put prendre le même titre qu’eux, et les intrus, les parvenus de l’épicerie, se multipliant dans toute la ville, en relations de chaque jour avec leurs voisins, sans cesse sous leurs yeux, il devinrent pour ainsi dire le type consacré de l’épicier aussi s ont-ils fait déchoir l’épicerie dans l’opinion

Notre siècle (le XIXe siècle) partage encore trop les préjugés aristocratiques de Cicéron, pour qui le commerce de détail était chose sordide, tandis que le commerce d’importation en grand pouvait s’avouer, à la rigueur. Mais, tout en repoussant cette hiérarchie, tout en refusant de parquer le petit commerce dans une caste infime, il faut ici voir l’épicerie sous ses r différentes formes, et tenir à la fois compte du gros et du petit négoce. L’épicier grossier, pour qui sans doute le commerce du gros n’excluait pas le détail, est le prédécesseur direct des marchands qui continuent encore le même commerce dans le quartier adopté par l’épicerie dès le moyen âge. Fixée définitivement dans la rue des Lombards et aux environs, elle y a assez fidèlement gardé sa physionomie première. Le magasin n’a pas fait de concession au luxe la nécessité ne s’en imposait pas les caisses, les fûts, les ballots ne laissent d’ailleurs aucun mur libre pour le décorateur. Sans doute, le local a dû être élargi pour répondre à l’importance des affaires et à la multiplicité croissante des opérations l’étroite façade du moyen âge avec sa fenêtre unique, dont le bord recevait l’étalage et l’auvent sous lequel le marchand traitait avec l’acheteur, a dû disparaître mais la maison a gardé ses titres de noblesse commerciale représentés par des enseignes séculaires. Le Centaure, la Barbe d’Or, le Bras d’Or, le Soleil d’Or, l’Image de Notre-Dame rappellent l’époque ou. les maisons ne portaient pas encore de numéros le Mortier d’Or date au moins du xve siècle. Villon, dans son Petit Testament, M réserve un legs. Dans ces parages, se sont de tout temps réalisées de grosses fortunes. En 1470, Louis XI ne trouve rien de mieux pour son hôte, Alphonse V, roi de Portugal, que de l’installer dans le logis de l’épicier Laurent Herbelot, rue des Prouvaires.

HENRY'S GROCERYL’épicier fut, jusqu’au XVe siècle, épicier-apothicaire, et put cumuler sans réclamations ni inconvénients tant que la pharmacopée, tout empirique, se réduisit à une sorte de routine, l’apprentissage tenait lieu d’études théoriques. Certains apprêts, certaines boissons mentionnées dans les menus gothiques relèvent-ils de la médecine ou de l’art culinaire? Il est telle recette formulée par le codex dont on ne saurait dire si elle est à l’intention du malade ou du gourmet. Platon récrimine contre trois arts, selon lui pernicieux et criminels au premier chef, et chacun, par malheur, est le faux frère d’un art bienfaisant et honnête. La sophistique corruptrice a un air de famille avec la saine philosophie; la parfumerie, à l’aide de ses artifices, fait concurrence à la beauté mâle, saine, sincère, fille de la gymnastique; la cuisine, avec ses raffinements meurtriers, est aussi malfaisante pour le corps que la médecine lui est secourable. Mais le moyen âge s’écoula avant qu’on établit un cordon sanitaire entre la gastronomie et la thérapeutique. Le laboratoire fut aussi cuisine la même main puisa à peu près dans les mêmes tiroirs et les mêmes bocaux poison et contrepoison. Voici les liqueurs présentées au moment des épices avec ses dragées et ses confitures, le praticien apportait son vin herbe, parfumé aux infusions de plantes. S y y avait ajouté les aromates d’Asie, la liqueur était dite piment, ou nectar les piments les plus renommés, le clairet et l’hypocras, en vogue même au XIIIe siècle, étaient parfumés à grand renfort d’épices. Comme les convives de jadis, tout gros mangeurs qu’ils fussent, faiblissaient à la fin des repas démesurés, il leur fallait attiser le feu nécessaire à la « concoction », en prenant certaines mixtures où entraient, par exemple, la sauge, le gingembre, la cardamone, la cannelle, le safran pulvérisés. D’autres conseillaient aux estomacs délabrés le fenouil combiné avec jus de citron, coriandre, conserve de roses, mastic, cannelle. Plus tard, 1’eau-de-vie, d’abord vénérée comme une panacée universelle, passera de la fiole aux potions dans le flacon du gourmet; mais ce sera toujours sous le couvert de l’apothicaire.

Dès le XVe siècle, la chimie médicale avait fait assez de progrès pour que le divorce de la pharmacie et de l’épicerie s’imposât s’il ne fut définitivement prononcé qu’en 1777, lorsque le Collège de pharmacie s’ouvrit rue de l’Arbalète, il avait déjà été précédé d’une séparation légale. La difficulté était de régler les droits de chaque partie; mais, à partir du règne de Charles VIII, épiciers-droguistes et apothicaires sont bien distincts. La tendance de plus en plus prononcée est de réduire l’épicerie au commerce des matières premières ou drogues simples, sans le droit de procéder aux pesées médicales, au dosage ou à la confection des médicaments. A partir de 1777, les pharmaciens forment enfin un corps absolument séparé. Leur monopole s survécut à l’ancien régime, et il fut le seul; le nouveau code lui donna une nouvelle consécration.

Mais les épiciers, battus en brèche du côté de la pharmacie, n’avaient pas attendu la Révolution pour s’indemniser d’un autre côté ils transformèrent peu à peu leur négoce en spéculant, dès le XVIIe siècle, sur la commodité que trouve l’acheteur à faire ses emplettes dans un même magasin. Dès 1620, ils vendirent du fer ouvré et non ouvré, du charbon de terre, même. Cependant, pour chacun de leurs empiétements, ils durent se soumettre à des conditions protectrices des droits et des intérêts respectifs en 1731, ils sont autorisés à vendre ratafias, eaux de senteur, fruits à l’eau-de-vie mais ils les livrent par bouteilles pour ne pas faire tort aux limonadiers de même, ils doivent fournir le café non brûlé, le thé en feuilles et non en infusion, mais ils conquièrent le droit de faire boire de l’eau-de-vie et des liqueurs même à leur comptoir. En 1740,ils tiennent les légumes secs en gros et en détail, mais avec obligation d’en porter un tiers aux halles et interdiction de les tirer d’un rayon moindre de vingt lieues autour de Paris. Avec des restrictions analogues, ils continuèrent d’annexer les commerces les plus divers; tandis que les jambons et autres viandes de porc en provenance de Bordeaux, Bayonne, Mayence ou ailleurs ne devront pas sortir de leurs magasins autrement que par tonnes, le papier, au contraire, ne s’y écoulera qu’au cahier ou à la main, et non à la rame. La provision de vinaigre ne dépassera pas trente pintes et sera débitée pinte par pinte. Pour être libres de vendre les couleurs broyées et non plus brutes, plusieurs épiciers se firent recevoir peintres. La Révolution les affranchit de toutes ces gênes ils ne furent plus tenus de respecter que les droits du pharmacien et ceux de l’herboriste. Les règlements du 21 germinal an XI assurèrent définitivement au seul pharmacien la vente des médicaments préparés et des substances vénéneuses, au seul herboriste celle des herbes et substances médicinales inoffensives, et l’épicier n’obtint de tolérance que pour les farines de graine de lin et de moutarde, la gomme et les sirops où elle entre, ces substances étant à double fin et pouvant être réclamées pour l’usage domestique.

Grocery variations

photo credit: Jsome1Corporations des épiciers-apothicaires. Les épiciers-apothicaires, parmi lesquels étaient compris également les droguistes, les confiseurs-confituriers, les ciriers-ciergiers, formaient la seconde des six grandes corporations marchandes, sorte d’aristocratie industrielle reconnue par la municipalité Depuis 1484, ils avaient la garde des poids et mesures ils conservaient dans la maison de la rue des Lombards dite le Poids du Roi l’étalon royal qui, tous les six ans, se vérifiait à la Monnaie sur les matrices originales. Celles-ci étaient gardées sous quatre clefs; elles étaient en cuivre très fin, d’un travail estimé, et l’on aimait à croire qu’elles dataient de Charlemagne. Le bureau de l’épicerie était au cloître Sainte-Opportune. Voici, d’après l’armorial de 1696, la description des armes qu’elle avait été autorisée à prendre « D’azur à un dextrochère (main droite) d’argent mouvant d’une nuée de même, et tenant des balances d’or, àdeux navires de gueules équipés d’azur semé de fleurs de lis d’or, posés l’un contre l’autre, flottant sur une mer de sinople et accompagnés de deux étoiles à cinq rais de gueules. » La devise Lances et posera servant (ils gardent les balances et les poids) surmontait l’écu. Le nombre des navires indiquait le rang parmi les métiers ainsi, les drapiers, le premier des cinq corps, n’en avaient qu’un. La communauté était régie par six jurés, moitié épiciers, moitié apothicaires, chargés de veiller à l’observation des statuts. Pour être admis à la maîtrise. il fallait avoir été trois ans apprenti, trois ans serviteur ou garçon; la corporation était une garantie d’aptitude, de probité, une association d’assistance mutuelle, une protection pour l’apprenti et le garçon qui devaient être paternellement surveillés, paternellement traités. Par malheur pour les épiciers, à dater du jour où l’apothicairerie trouva mal assortie l’union des deux métiers en un seul corps, ils cessèrent d’y être traités sur un pied d’égalité, et, à chaque conflit, subirent un échec dans les réunions communes, la prépondérance fut assurée à leurs rivaux ceux-ci refusaient la participation du juré épicier à l’examen du chef-d’œuvre que leurs candidats à la maîtrise élaboraient sous les yeux des experts; pareille épreuve n’existant pas pour les épiciers, on les trouvait disqualifiés pour siéger dans une commission d’examen. D’autre part, les gardes apothicaires furent investis du droit de visiter la droguerie chez leurs adversaires et ils exercèrent ce droit avec rigueur, n’hésitant pas à prononcer, contre toute infraction aux règlements, l’amende et la suspension de six mois Sous l’ancien régime, l’association commerciale se doublait presque toujours d’une association religieuse dite confrérie. La confrérie des épiciers-apothicaires avait son siège aux Augustins, où se tenait en outre l’assemblée générale de la corporation. Elle s’était donné pour patron un saint qui avait obtenu ses grandes lettres de naturalisation parisienne depuis qu’un aventurier normand avait, par un rapt, enlevé ses reliques à une église d’Orient, saint Nicolas. L’épicerie, dont les plus précieuses denrées étaient de provenance orientale, comme les restes vénérés, ne pouvait mieux faire que de se placer sous la sauvegarde de saint Nicolas, déjà protecteur de la batellerie. L’orthodoxie du corps exigeait de tous ses affiliés, outre la qualité de Français ou naturalisé tel, une profession de foi catholique. Parmi eux, le calvinisme ne dut pas recruter de nombreux prosélytes un riche marchand de la rue Saint-Denis, Gastine, tint bien dans son logis une assemblée de huguenots, mais rien ne prouve qu’il fût épicier, et le quartier vit avec transports brûler l’hérétique et raser sa maison. Avec la majorité de la bourgeoisie, les épiciers épousent la cause de la Ligue mais ils ne tardent pas à se refroidir, et il en est plus d’un et qui prononce un « date pacem » en soupirant (Satire Ménippée)..

Après la bataille d’Ivry, le duc de Nemours organisa 1défense de Paris et assigna à chaque détachement de la milice la partie du rempart qu’elle aurait à défendre. L’apothicaire Du Fresnoy était colonel des forces qui eurent à garder le rempart Saint-Honoré. Les épiciers, en effet, n’attendirent ni 1830 ni 1789 pour parader sous le costume militaire dans les cadres d’une milice urbaine. Sans remonter jusqu’à Bouvines où Philippe-Auguste opposa des contingents communaux à la formidable agression tudesque, sans parler non plus du guet des bourgeois institué par Louis IX, nous voyons Louis XI armer contre la ligue du Bien public artisans bourgeois de Paris, et leur confier la « garde, tuicion et defense de sa bonne ville et habitants d’icelle». Les hommes de seize à soixante ans eurent à se procurer un habillement « souffisant selon leur possibilité, une longue lance couleuvrine à main, une brigandine, une salade ». Maîtrise et artisans furent répartis en soixante et une compagnies distinguées par des bannières armoriées de leurs insigne: les épiciers-apothicaires formaient la 48e bannière chacun fut autorisé à sortir costumé et armé, les dimanches et jours de fêtes les six métiers avaient leur rang aux entrées solennelles où ils représentaient le commerce parisien. Le décret du 23 juin 1790 abolit les armoiries celui du 17 mars 1791 supprima les corporations. Ce fut sans doute au grand regret des privilégiés mais de pires soucis leur étaient réservés; les boutiques d’épiciers furent particulièrement menacées lorsque la disette des denrées déchaîna l’émeute, et plusieurs furent mises à sac ; les pillards éventraient ballots et barils, et vendaient à vingt sous le sucre qui en valait plus de trente. Le blocus continental le fit monter bien davantage, mais du mal sortit un bien la betterave, entrant en concurrence avec la canne, devait permettre un jour à l’épicerie de vulgariser un produit longtemps interdit au pauvre. La transformation de la s chicorée en café fut un bienfait plus discutable, à cause même du parti qu’en surent tirer les vendeurs indélicats.”

Source : grande Encyclopédie

SuperTarget Durham, NC
photo credit: j.reed