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Une boutique à Paris sous le second Empire

La boutique de lingère de Nana

Brusquement, en deux jours, tout fut terminé, les peintures vernies, le papier collé, les saletés jetées au tombereau. Les ouvriers avaient bâclé ça comme en se jouant, sifflant sur leurs échelles, chantant à étourdir le quartier.

L’emménagement eut lieu tout de suite. Gervaise, les premiers jours, éprouvait des joies d’enfant, quand elle traversait la rue, en rentrant d’une commission. Elle s’attardait, souriait à son chez elle.

De loin, au milieu de la file noire des autres devantures, sa boutique lui apparaissait toute claire, d’une gaieté neuve, avec son enseigne bleu tendre, où les mots : Blanchisseuse de fin, étaient peints en grandes lettres jaunes. Dans la vitrine, fermée au fond par de petits rideaux de mousseline, tapissée de papier bleu pour faire valoir la blancheur du linge, des chemises d’homme restaient en montre, des bonnets de femme pendaient, les brides nouées à des fils de laiton. Et elle trouvait sa boutique jolie, couleur du ciel.

Dedans, on entrait encore dans du bleu ; le papier, qui imitait une perse Pompadour, représentait une treille où couraient des liserons ; l’établi, une immense table tenant les deux tiers de la pièce, garni d’une épaisse couverture, se drapait d’un bout de cretonne à grands ramages bleuâtres, pour cacher les tréteaux. Gervaise s’asseyait sur un tabouret, soufflait un peu de contentement, heureuse de cette belle propreté, couvant des yeux ses outils neufs. Mais son premier regard allait toujours à sa mécanique, un poêle de fonte, où dix fers pouvaient chauffer à la fois, rangés autour du foyer, sur des plaques obliques. Elle venait se mettre à genoux, regardait avec la continuelle peur que sa petite bête d’apprentie ne fît éclater la fonte, en fourrant trop de coke.

Derrière la boutique, le logement était très convenable. Les Coupeau couchaient dans la première chambre, où l’on faisait la cuisine et où l’on mangeait ; une porte, au fond, ouvrait sur la cour de la maison.

Le lit de Nana se trouvait dans la chambre de droite, un grand cabinet, qui recevait le jour par une lucarne ronde, près du plafond.

Quant à Étienne, il partageait la chambre de gauche avec le linge sale, dont d’énormes tas traînaient toujours sur le plancher.

Pourtant, il y avait un inconvénient, les Coupeau ne voulaient pas en convenir d’abord ; mais les murs pissaient l’humidité, et on ne voyait plus clair dès trois heures de l’après-midi.

Dans le quartier, la nouvelle boutique produisit une grosse émotion. On accusa les Coupeau d’aller trop vite et de faire des embarras. Ils avaient, en effet, dépensé les cinq cents francs des Goujet en installation, sans garder même de quoi vivre une quinzaine, comme ils se l’étaient promis. Le matin où Gervaise enleva ses volets pour la première fois, elle avait juste six francs dans son porte-monnaie.

Mais elle n’était pas en peine, les pratiques arrivaient, ses affaires s’annonçaient très bien. Huit jours plus tard, le samedi, avant de se coucher, elle resta deux heures à calculer, sur un bout de papier ; et elle réveilla Coupeau, la mine luisante, pour lui dire qu’il y avait des mille et des cents à gagner, si l’on était raisonnable.

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photo credit: michale

Source : Emile ZOLA, l’Assommoir (transcription site http://www.inlibroveritas.net/)

Le marché lieu de négoce au XIXe siècle

LE MARCHE AU XIXE SIECLE – LES REGLES DU NEGOCE AMBULANT EN FRANCE

MARCHÉ. Antiquité romaine.

Niort's market hall.
photo credit: dynamosquito

Primitivement le maeellum ou marché se confondait avec le forum. Plus tard, quand la vie publique eut encombré le forum romain, et que d’ailleurs le développement de la ville exigea des approvisionnements considérables, il y eut plusieurs marchés où les denrées se vendaient par spécialités, d’où chaque forum tirait son nom. C’est ainsi que l’on eut le forum boarium- (où l’on vendait les bœufs), le forum vinarium (pour le vin), piscatorium (pour le poisson), le forum ou maeellum cupedinis, où l’on vendait les plus fins comestibles et les mets tout cuits et prêts à emporter.
Mais peu à peu ces marchés locaux et spéciaux firent place à de vastes halles qui reçurent communément le nom de maeellum, et où l’on vendait de tout (Varron, De Ling, lai., V, 447). On connaît notamment le maeellum magnum sur le Cœlius (Curiosum Urbis, Reg. H), sans doute le même que le maeellum Augusti restauré ou embelli par Néron, le maeellum Liviœ sur l’Esquilin (Curiosum Urbis, lieg. V) appelé aussi forum Esquilinum, car cette antique appellation ne disparaît pas entièrement (Lanciani, Aneient Home in the light of récentDiscoverîes, p. 152). Il est probable que chaque quartier de la ville eufson maeellum (Acro ap. Horat., Serm. I,6,418 ; Jordan, Topographie der Stadt Rom im Allerthum, II, p. 115). Lorsque l’on promulguait des lois somptuaires, des gardes spéciaux étaient affectés au service des marchés et devaient confisquer les denrées interdites

Architecture du marché

Place affectée,dans les vïlles,à la vente des denrées et autres objets nécessaires à l’existence. Les premiers marchés furent établis le plus souvent sans abris ou tout au moins sans abris disposés suivant un plan uniforme ; mais peu à peu, on prit l’habitude, dès l’antiquité, de réserver autour des places servant de marchés des portiques au rez-de-chaussée des maisons avoisinantes et plus tard enfin on construisit de véritables édifiées de bois, puis de pierre, largement ouverts à leur partie inférieure et dans lesquels allaient et venaient les marchands qui y exposaient et vendaient leurs denrées. Vagora chez les Grecs, le forum chez les Romains, et, de nos jours, le bazar, chez les Orientaux, répondent à ce que nous appelons marché, taudis que le mot halle indique plutôt une sorte de marché central, pour une ville ou pour un quartier d’une grande ville, marché réunissant plusieurs genres de commerce. De nos jours, l’emploi du métal, comme élément principal de la construction des marchés et des telles, a permis de leur donner des dimensions et des proportions jusqu’alors peu usitées et a créé, pour ces édificies comme pour les docks et les gares de chemins de fer, une architecture métallique, caractéristique des progrès de l’art et de la science au xixe siècle

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photo credit: abdallahh

Droit administratif applicable aux marchés du XIXe siècle.

Au sens restreint du mot, les marchés ou halles sont les constructions édifiées sur les places publiques où se réunissent, à des dates fixées, les marchands, pour les abriter eux et leurs marchandises. Mais l’emploi du mot marché s’est étendu aux emplacements eux-mêmes, à l’ensemble des marchands et désigne aujourd’hui, d’une façon générale, les réunions régulièrement tenues par les marchands à des jours et heures déterminés. On les distingue en foires ouvertes au commerce de toutes espèces de marchandises ; marchés aux “bestiaux, réserves aux animaux vivants ; marchés d’approvisionnement pour les denrées alimentaires, comestibles de toutes natures, matières premières et ustensiles, nécessaires à la population locale.

Etablissement d’un marché au XIXe siècle. — Dès le XIIIe siècle, on se préoccupa d’en réglementer rétablissement et la tenue. Au roi seul appartenait le droit d’en autoriser rétablissement. Les seigneurs faisaient construire et aménager les halles, les faisaient surveiller et étaient autorisés à percevoir des droits de hallage et de placage. Des ordonnances royales avaient créé les offices de mesureurs, vendeurs, peseurs,etc. La Révolution enleva ce droit aux seigneurs, ne leur laissant que la propriété des bâtiments qu’ils avaient construits; mais la loi des 15-28 mars 1790 décida qu’ils devraient s’entendre avec les municipalités pour les leur vendre ou louer.

Plus tard, la loi des 16-24 août 1790 confia aux corps municipaux la police et l’approvisionnement des halles et marchés en même temps que l’inspection de la fidélité du débit et de la salubrité des denrées qui y étaient vendues. Pour Paris, les arrêtés des consuls de messidor an VIII et 3 brumaire an IX donnaient au préfet de police les pouvoirs confiés aux municipalités. Les délibérations des municipalités concernant l’établissement ou la suppression des halles devaient être soumises à l’approbation d’une autorité supérieure. Sous les arrêtés des consuls du 7 thermidor an VIII, c’était aux consuls que ce droit d’approbation appartenait, après avis du préfet et du ministre de l’intérieur, ou à celui-ci avec l’avis du préfet, quand il ne s’agissait que de simples marchés d’approvIsionnement. Les art. 68 et 97 de la loi du 5 avr. 1884 n’ont fait que confirmer, ainsi que l’avait déjà fait la loi du 24 juil. 1867,1e droit des municipalités, réservant à l’autorité compétente l’approbation, sauf en ce qui concerne les marchés d’approvisionnement dont la réglementation est expressément laissée aux municipalités. Pour les autres marchés, le projet, une fois arrêté par la municipalité, doit être mis à l’enquête. Celle-ci doit réunir l’avis de toutes les communes situées dans un rayon de 2 myriamètres.

Droits de place. — Les communes ont la faculté de fixer un droit pour les places occupées par les marchands dans les halles et marchés. Cette perception fut, à l’origine, autorisée parla loi du 41 frimaire an VII, art. 6, n° 3. Ces droits ne doivent être que des droits de place, c.-à-d. être calculés d’après la surface occupée sans avoir égard à la valeur de la marchandise vendue ; mais, dans la pratique, on fixe divers tarifs applicables aux différents pavillons des halles et dont la base ou unité du droit varie avec la valeur de la marchandise vendue dans chaque pavillon. Le tarif des droits de place, établi parla municipalité, ne devient applicable qu’après l’approbation du préfet. C’est ce qu’a décidé la loi du 5 avr.1884 dans ses art. 68-69 et 133 combinés, confirmant en ceci les dispositions du décret du 25 mars 1852 et abrogeant le droit donné au conseil municipal par la loi du 24 juil. 1867 d’établir seul et sans contrôle les tarifs des droits de place. La commune peut ne pas procéder elle-même à la perception des droits et se substituer un adjudicataire auquel elle cède, moyennant une redevance, le droit de percevoir en ses lieu et place les montants des droits suivant le tarif ainsi arrêté. Cette cession se fait sous l’une des trois formes suivantes : ferme, régie simple ou régie intéressée. Elle doit être réalisée par voie d’adjudication aux enchères publiques et à l’extinction des feux, au chef-lieu de la commune, sous la présidence du maire, assisté de deux conseillers et du receveur municipal.

Peseurs, mesureurs, facteurs. — Pour assurer l’exécution des mesures prescrites par la municipalité, des agents spéciaux sont nécessaires, notamment des facteurs et porteurs commissionnés, des peseurs, mesureurs, jaugeurs publics, etc. La loi du 5 avr. 1884 autorise donc la municipalité à constituer sur le marché des porteurs ou agents commissionnés pour procéder, à l’exclusion de tous autres individus, mais sans cependant que leur ministère soit obligatoire, aux ventes auxquelles les pourvoyeurs peuvent procéder eux-mêmes. Aux termes de l’arrêté du 7 brumaire an IX et de la loi du 9 floréal an X des bureaux de poids publics peuvent être installés dans l’enceinte des marchés. Le décret du 25 mars 1852 réserve aux préfets le droit d’approuver l’arrêté municipal en prescrivant rétablissement ainsi que le tarif des droits de pesage.

marché du jeudi (ORANGE,FR84)
photo credit: jean-louis zimmermann

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Source : grande Encyclopédie du XIXe siècle (BNF)