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Feu d’artifice et politique à Paris au XVIIIe siècle

LE XVIIIe SIÈCLE : LE FEU D’ARTIFICE DU 30 AOUT 1739

Le feu d’artifice tiré par la Ville de Paris, à l’occasion du mariage de Mme Louise-Elisabeth et de l’Infant d’Espagne, le 30 août 1739.

Ce feu est resté un des plus célèbres de l’histoire de la pyrotechnie. Il est un des mieux connus grâce à de nombreux témoignages, descriptions et gravures de factures très diverses. Ainsi, pouvons-nous, grâce à ces documents, en donner un récit circonstancié qui offre un exemple précis d’organisation d’un feu au XVIIIe siècle.

« Le champ de la fête se donnait du Pont Neuf au Pont Royal. Le terre-plein central du Pont Neuf était entièrement occupé par un bâtiment destiné au feu d’artifice : une sorte de temple à la grecque, formé par quatre rangs de colonnes d’ordre dorique, l’entablement supportait une balustrade ornée de vingt statues représentant des divinités. Toute l’architecture était peinte en marbre blanc. Le jour du feu, on suspendit des festons des lauriers dorés et des lustres. La décoration du Pont Neuf consistait en une série de pyramides unies par des consoles. Cette décoration était due à Jacques Gabriel, architecte du Roi, et le temple à Servandoni. Au milieu de la rivière, avait été construit sur deux bateaux, un salon octogone « aussi singulier que magnifique » : aux huit arcades pendaient de grosses lanternes de toile transparente et colorée. Au milieu du salon était une colonne isolée, sur laquelle s’élevait un grand drapeau blanc fleurdelisé. 180 musiciens pouvaient tenir dans ce salon conçu par Servandoni..

Huit monstres marins flottaient autour de cette pièce d’architecture. Tout autour du fleuve, étaient disposés des gradins où prirent place cinq cent mille, personnes environ, au dire des organisateurs.

Le roi était présent, dans une loge du pavillon central du Louvre, juste en face du salon de musique. La nuit venue, furent allumés des lustres de cristal, des girandoles, et une ceinture de terrines projetant vers l’estrade royale un flux de lumière. A six heures, le Roi parut dans un habit de brocart d’or et d’argent constellé d’innombrables diamants. Il portait, accroché à son chapeau, le fameux « Régent ». La soirée commença par un concert et des joutes nautiques. A la nuit, furent illuminés le temple, le salon de musique, les quais de la Seine, où l’on avait placé 140 lustres.

De dessous les arches du pont, sortirent 60 bateaux, illuminés de onze mille lanternes de verre, de «forme chinoise et bizarre ». Cette illumination flottante tirait un nouvel avantage du verre qui en augmentait le brillant ainsi que du reflet de l’eau qui doublait le nombre de lumières.

Le Roi donna lui-même le signal du feu d’artifice, suivi par une décharge des canons de la ville à laquelle répondit l’artillerie des Invalides. Le feu se déroula « avec une précision féerique ». En voici le programme :

1- 1300 fusées d’honneur tirées 8 par 8 dans toute l’étendue du Pont-Neuf ; puis 200 caisses de fusées tirées 4 par 4,

2- les chiffres d’artifice en feux blancs, lesquels durent plus d’un quart d’heure ; c’étaient ceux de l’Infant,

3- un combat de monstres marins qui crachaient du feu par la gueule, 4″ filet de gerbes tout le long du pont,

5- nappes de feu rouge dans les trois arcades situées sous le temple de l’hymen,

6- feu d’eau – toutes sortes d’artifices (gerbes, grenouilleries, dauphins, roues) jetés dans l’eau depuis huit bateaux,

7- le chiffre de pierreries, formé par des lettres de cristal taillé à facettes dans les entre-colonnes du temple,

8- le berceau d’étoiles sur deux petits ponts à fleur d’eau, chargés de 160 mortiers de carton lançant des milliers d’étoiles très brillantes, qui montaient aussi haut que le temple, en formant une voûte éblouissante,

9- le soleil dont le centre était placé à la hauteur de l’entablement du temple,

10- les cascades de feu (fontaines), au nombre de 32, allumées à la fois de chaque côté de la rivière ; depuis le Pont-Neuf jusqu’au Pont Royal. Leur sommet se terminait par de grosses gerbes qui paraissaient fournir le feu de trois nappes, lesquelles retombaient par degrés dans l’eau même, qui en répétait l’image,

11- la grande girandole et les deux petites : celle-ci de 5 000, celles-là de 300 fusées volantes chacune, tirées d’un seul coup sur le Pont-Neuf, à droite et à gauche du temple.

C’est par ce feu prodigieux dont le ciel parut tout à coup embrasé, tandis que l’air était ébranlé par une nouvelle décharge d’artillerie rapidement servie, que finit le feu d’artifice. L’éclat dissipé laissa voir plus tranquillement l’illumination qui dura tout la nuit ».

La lumière extraordinaire, « des illuminations qui persistent toute la nuit, éclairent les ténèbres, et semblent en chasser les cauchemars ».

Pourtant, nous voulons montrer que cette longue description tirée des comptes rendus officiels n’est pas exempte de mensonges volontaires, destinés à ne pas ternir le souvenir idéal de la fête.

Une description sommaire de la fête, annotée par son propriétaire, commente certains détails : «fusées d’honneur au nombre de 300 ». Il ajoute à la main : «je doute qu’il y en ait eu autant. En tout cas, cette espèce d’artifice a langui ». Au sujet de trois nappes de feu rouge qui dans cette description deviennent cinq : « la fumée m’en a dérobé une partie ».

Mais, plus signifiante encore est la fin de la description publiée cher Mercier en 1740. On y lit : «Le Roy et la Reine parurent contents de la singularité et de la noblesse de ce spectacle ». Pourtant, si l’on compulse les dossiers de la série K 006, aux Archives Nationales, on apprend que le feu fut tiré par les artificiers Dodemant Père et Fils et Testard ainsi qu’un artificier saxon (pas d’italiens comme cela est généralement annoncé), qu’à de nombreuses reprises, l’entente ne fut pas excellente (c’est-à-dire que les français s’attachèrent à faire échouer les tirs du saxon) et que « le Roi fut mécontent du manque de respect de ses gens …

長岡花火2009
photo credit: cinz

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Source :

Patrick BRACCO – Melle LEBOVICI – Catalogue de l’exposition : Les feux d’artifice à Paris du XVIIe au Xxe siècle. Paris, 1981

Métiers au XVIIIe siècle : afficheur

“AFFICHEUR. C’est celui qui fait métier d’afficher un placard ou feuille de papier au coin, des rues pour annoncer quelque chose avec publicité, comme jugements rendus , effets à vendre, meubles perdus, livres imprimés nouvellement ou réimprimés, etc.

Les peuples qui se sont acquis de la réputation par la sagesse de leur gouvernement, ont toujours eu des hommes destinés pour ces mêmes fins. Comment auraient-ils informé le public des lois qu’il devait observer s’ils ne les avaient pas fait afficher pour les rendre publiques ? Les Grecs les exposaient dans leurs places sur des rouleaux de bois plus longs que larges pour lesquels ils les écrivaient et les Romains les faisaient graver sur des planches d’airain.

Cet usage passa dans les Gaules avec la domination de ces derniers : il ne fut point aboli par les conquêtes de nos rois et François Ier le confirma par son édit du mois de Novembre 1539.

Le droit de faire publier et afficher n’appartient en chaque ville qu’au juge qui a la juridiction ordinaire et territoriale. Lorsque , dans une même ville, il y a plusieurs juges ordinaires, c’est au premier et principal magistrat de la ville qu’il appartient, comme étant une suite et une dépendance de la police.

Le Prévôt de Paris est en possession de ce droit de temps immémorial. Lamarre en rapporte les preuves dans son Traité de la Police livre. I, titre 25, chapitre 2.

A Paris, les affiches ordinaires doivent être autorisées par une permission du Lieutenant de police.Les afficheurs sont tenus de savoir lire et écrire; leur nom et l’indication de leur demeure doivent être enregistrés à la chambre royale et syndicale des libraires et imprimeurs, Ils font corps avec les colporteurs, et doivent, comme eux, porter au devant de leur habit une plaque de cuivre sur laquelle est grave afficheur.

Les huissiers ont aussi le droit d’afficher, parce que, dans le cas de saisie réelle, ils sont obligés d’exposer des placards en certains endroits, lors des criées de l’immeuble saisi, ce qu’ils sont tenus de faire de quatorze en quatorze jours. Leurs affiches, ainsi que leur procès verbal de criée, doivent contenir le nom, la qualité, le domicile du poursuivant et du débiteur, la description des biens saisis par tenants et aboutissants, et dans le cas où c’est un fief, par la description du principal manoir, des dépendances et appartenances. Elles doivent être marquées, sous peine de nullité, aux armes du roi, et non à celles d’aucun autre seigneur et apposées à la principale porte de l’église paroissiale laquelle est situé l’immeuble saisi, à celle du débiteur, et à celle du siège où se poursuit la saisie réelle.

Il y a à Paris une feuille périodique qui porte le titre d’affiches de cette ville. C’est une compilation exacte de toutes les affiches les plus intéressantes On y trouve les biens de toute espèce à vendre ou à louer, les annonces des livres nouveaux, les effets perdus ou trouvés, les nouvelles découvertes, les spectacles, les morts, le cours et le change des effets commerçables. Elle paraît régulièrement deux fois toutes les semaines.”

Dracula !
photo credit: Ludo29880

Source :

Titre : Dictionnaire raisonné universel des arts et métiers. T1 / , contenant l’histoire, la description, la police des fabriques et manufactures de France et des pays étrangers [par P. Macquer]… Nouvelle édition… revue et mise en ordre par M. l’abbé Jaubert,…

Auteur : Macquer, Philippe (1720-1770)

Éditeur : P. F. Didot jeune (Paris)

Date d’édition : 1773

Contributeur : Jaubert, Pierre (1715?-1780?). Éditeur scientifique