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Feuilleton de l’été : manuel de publicité des années 1920

Théorie de la Publicité

La publicité écrite, celle qui s’imprime et qu’on destine à être lue, ne comportant aucune part de suggestion directe, puisque celui, qui la fait, l’Annonceur, ne voit pas, ne connaît pas personnellement celui ou ceux qu’il vise, il ne s’ensuit pas qu’il n’existe aucune pierre de touche capable d’en faire éprouver la valeur. La meilleure est incontestablement l’observation,
indépendamment des dons de l’intelligence et de l’esprit.

Par observation, nous entendons cette faculté qu’ont les hommes, à dès degrés différents, de sentir, de deviner les aspirations et les besoins d’autrui. Cela se rapporte à la publicité-science, c’est-à-dire à l’organisation du plan directeur.

L’observation, telle que nous la voudrions voir s’affiner chez tous les Annonceurs, doit commencer par l’observation de soi-même. « Connais-toi toi-même », dit le sage. Car la connaissance de soi-même conduit tout naturellement, par comparaison, à la connaissance d’autrui, et c’est celle-là qui, dans l’occurrence, est la plus précieuse. Un Annonceur qui se sera lui-même analysé et étudié sous toutes ses faces, saura bien plus aisément analyser et étudier les autres, ceux à qui il veut vendre
la chose annoncée, et il parviendra à identifier, sa pensée, sa mentalité, à la pensée, à la mentalité du plus grand nombre. I1 se pénétrera ainsi des besoins et des goûts des majorités et pourra, dès lors, s’attacher avec plus d’adresse à lès satisfaire, en faisant abstraction complète de sa propre personnalité.
Molière, qui lisait ses comédies à sa servante, avant de les faire représenter, ne faisait pas autre chose que de l’observation. Il s’en rapportait à l’impression qu’elles produisaient sur l’âme fruste de sa domestique, parce qu’il jugeait que les sentiments de celle-ci correspondaient à ceux de la majorité de ses futurs spectateurs. Si sa servante riait, c’est que son public serait désarmé.

On a remarqué, cependant, que certains Annonceurs étaient souvent fort malhabiles à pénétrer la psychologie des majorités auxquelles leur publicité s’adresse, et il est arrivé que des personnes, qui n’étaient pas mêlées directement aux affaires d’un Annonceur, savaient mieux que lui apprécier les points faibles et les points forts de ces majorités et les faire servir à la cause de l’Annonceur. C’est pour cela qu’un spécialiste qualifié, un technicien de publicité compétent, peut rendre d’énormes
services aux Annonceurs. En Amérique, notamment, le concours d’un professionnel de ce genre est fort apprécié et largement rétribué..

C’est qu’on ne voit pas toujours soi-même de la même manière que le public, et c’est cependant une des qualités qu’un Annonceur doit posséder. Pour remédier à ce défaut, nous conseillons à l’Annonceur indécis de ne rien commencer sans avoir, comme Molière le faisait, consulté son entourage, ses amis, afin de recueillir les impressions que ses projets de publicité feront sur des personnes de condition, de mentalité et d’âge différents, et d’en tenir compté, si l’intérêt qu’ils lui
portent est le gage certain de leur sincérité. Il ne faudrait pas, toutefois, demander avis et conseils à des intellectuels manquant de sens positif, ou à des esprits aigris ou simplement chagrins, chez qui le sens critique est développé à l’extrême ; mieux vaut choisir, au contraire, des personnes d’une mentalité moyenne, de jugement sain et d’intelligence normale, sans métaphysique exagérée, c’est-à-dire des individus représentant, dans leur ensemble, en raccourci, les majorités auxquelles on
fera appel par la publicité.

Quand nous parlons des majorités susceptibles d’être touchées par la publicité, qu’on entende bien que nous ne voulons dire que les majorités relatives, très relatives même. Lés majorités relatives.

Un Annonceur, débutant dans la carrière, doit se garder soigneusement, dans le calcul du nombre d’individus du même pays, de la même langue, capables de devenir ses acheteurs, de comprendre dans le total tous ceux qui pourraient l’être. Il serait presque plus sage de supputer d’abord le nombre de ceux qui ne le seront pas, qui ne le seront peut-être jamais. Bien des déboires seraient évités par ce moyen.

Supposons que la masse des acheteurs théoriques soit évaluée à cent mille. Il faut déduire de ce chiffre :

– Ceux qui n’achèteront pas, parce qu’ils possèdent déjà un objet, un produit équivalent ou concurrent ;

– Ceux qui ne lisent pas la publicité et qu’on n’atteindra pas ;

– Ceux qui lisent la publicité, mais qui font profession de n’y ajouter aucune foi ;

– Ceux qui ne savent pas lire ;

– Ceux qui, quoique sachant lire, ne verront jamais la publicité qui s’adresse à eux, soit qu’ils ne lisent pas, précisément, le journal dans lequel cette publicité aura été insérée, ou qu’ils ne
passent jamais devant le mur où on aura fait placer une affiche, ou bien encore, ceux dont le nom et l’adresse, ne figurant sur aucun Bottin, sur aucun annuaire, sur aucun répertoire, ne pourront jamais être touchés par un imprimé.

Que reste-t-il, après cela, d’acheteurs certains? On tremble à l’idée de l’infinité de leur nombre, comparé à celui des acheteurs théoriques recensés auparavant.

C’est cependant sur la base de ce résidu, constituant le nombre éventuel d’acheteurs, que l’Annonceur doit établir tout son plan de publicité, s’il ne veut pas tomber dans des exagérations à tous points de vue décevantes, ne serait-ce qu’à propos de la fixation du prix de vente de la chose annoncée, lequel doit varier dans la mesure exacte où la publicité en modifie le prix de revient; ou bien il faudrait augmenter les prévisions de frais généraux afférents à l’affaire, deux stades, parfaitement distincts, et qui s’excluent mutuellement. Ce n’est pas sans de mûres réflexions et sans avoir expérimenté, éprouvé sa justesse que nous avançons cette théorie, et nous sommes convaincus que, les Annonceurs s’en étant pénétrés, ils auront en mains le fil d’Ariane qui les guidera sûrement dans le dédale des combinaisons auxquelles la publicité donne naissance.

On pourra opposer une période à l’autre, on ne pourra jamais les confondre, car ce sont deux routes parallèles qui ne se rencontrent jamais. L’une de ces routes est d’ailleurs bien plus courte que l’autre, en ce sens qu’elle mène moins loin.

Voyons un peu plus en détail ce que sont ces deux périodes.

Cigarettes Job
photo credit: lecourrier

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Source :

Titre : Traité pratique de publicité commerciale et industrielle. Le mécanisme de la publicité avec diverses applications / D. C. A. Hémet,… ; avec une préface de Emile Gautier

Auteur : Hemet, D.C.A (1866-1916)

Éditeur : “la Publicité” (Paris)

Date d’édition : 1922

Contributeur : Gautier, Émile (1852-1937). Préfacier

Contributeur : Angé, Louis. Éditeur scientifique

Type : monographie imprimée

Langue : Français

Format : 2 t. en 1 vol. (XXIX-250, 298 p.) : ill. ; in-8

Gallica

L’annonceur dans les années 1920

Qu’est ce qu’un annonceur ?

“Le mot « Annonceur » est venu pour la première fois sous notre plume, et il nous semble nécessaire d’en fournir une définition exacte, car nous aurons, à l’avenir, de fréquentes occasions de l’employer.
Le premier, en France, nous avons, presque au début du siècle, donné un sens à ce néologisme, et ce ne fut pas sans contestations qu’on l’adopta. L’usage, en effet, voulait jusqu’alors que le commerçant, l’industriel, le marchand qui recours

Or, il est admis, dans le monde de la presse particulièrement, que le typographe chargé dans une imprimerie de composer les annonces porte ce nom d’annoncier ; on dit aussi l’annoncier,par extension, de l’employé qui, dans l’administration d’un journal, a pour tâche de recevoir du public, à son guichet, les annonces qui doivent y être insérées.

Il nous a paru qu’en un temps où la publicité est appelée à acquérir son plus grand développement, et où toute une littérature se fonde pour en vulgariser les principes, il n’était pas logique qu’on désignât indistinctement sous le nom d’annoncier le typographe qui compose l’annonce, l’employé qui en reçoit le prix et le commerçant qui la paie et qui en bénéficie.

La langue anglaise, du reste, désigne sous le nom d’Advertiser celui qui fait de la publicité, du verbe to advertise (annoncer). N’était-il pas logique d’appeler, en français, Annonceur, celui qui, de même, annonce ? Et puis, il nous a semblé qu’il existe une raison plus solide encore pour adopter ce vocable dans cette acception; c’est qu’ainsi, le mot annoncier conservant son sens pour désigner celui qui manutentionne, en quelque sorte, l’annonce, et celui qui la vend, aucune confusion
ne pourra subsister désormais entre ces deux termes, d’autant que le besoin du premier, pour désigner celui qui annonce, se faisait vraiment sentir pour être clair dans des écrits ayant la
publicité pour objet.

L’éminent critique et professeur Emile Faguet, consulté sur ce point de linguistique, a bien voulu nous donner entièrement raison.

Nous appellerons donc Annonceur tout commerçant tout industriel qui use de la publicité pour le bien de son commerce, de son industrie, quelle que soit la forme qu’il choisisse pour cette publicité.

Aujourd’hui, du reste, le terme d’Annonceur est le terme adopté par tous ceux qui sont au courant de la question.

Cette digression terminée, et maintenant que nous avons montré le caractère scientifique de la publicité, dans sa conception, et ses affinités nombreuses, avec la psychologie, dont elle n’est, dans ses premières modalités, qu’une branche, il nous reste à dire en quoi la publicité est aussi un art.

La publicité=art.

Si, en fait, la publicité est une science dans sa conception, c’est également un art, mais seulement dans son exécution, dans sa pratique. Certains esprits, qui sauront parfaitement concevoir un plan de publicité, se montreront inférieurs pour en réaliser l’exécution. Esprits trop positifs, il leur manque la somme de sentiment artistique indispensable pour .mener ce plan à son.aboutissement naturel : le succès.

La science psychologique, en publicité, fera percevoir la mentalité des individus à laquelle elle doit s’adresser; elle révélera leurs défauts, leurs qualités, leurs faiblesses ; mais elle sera impuissante à trouver les images, les formules par lesquelles ces individus pourront être persuadés et conquis. C’est l’art de la publicité qui supplée à cette lacune de la publicité-science.

Cela revient à dire que la pratique de la publicité ne possède en elle-même rien qui soit athématique. C’est le résultat d’observations plus ou moins nombreuses desquelles on peut tirer des déductions plus ou moins stables, plus ou moins fixes; et il faut qu’on le sache bien, ces déductions.n’auront de
fermeté et de solidité que dans le cercle particulier où l’on sera à même de les obtenir. La publicité est donc une voie semée d’ornières et de culs-de-sac, où l’on ne doit s’engager qu’avec réflexion et prudence, et non sans avoir soigneusement repéré le chemin derrière soi.

A chaque sorte d’affaires, sa publicité propre. Savoir ne rien emprunter à personne est une des premières conditions de la réussite. D’abord, parce que chaque affaire exige un mode et des moyens de publicité en quelque sorte personnels; ensuite parce que l’une des conditions primordiales auxquelles elle est soumise est l’originalité. Nous ne disons pas l’excentricité.

Pour cela, l’Annonceur avisé doit se rappeler, à chaque minute, qu’il n’est pas seul à faire de la publicité, qu’il a ses concurrents déjà nés ou à venir, et il lui faut, constamment, avoir les yeux fixés sur les divers points de son horizon commercial, afin d’être toujours informé de ce qui se fait, de ce qui se fera et de tout ce qui peut lui venir d’heureux ou de malheureux par le fait d’autrui.

Constamment instruit des conditions du monde extérieur, il puise dans cette connaissance les ressources voulues pour donner à sa publicité l’extension dont elle est susceptible, sans la faire sortir du cadre exact qui lui convient, et pour lui assurer ce caractère de nouveauté, d’originalité — et aussi de PERSUASION — qui fait toute sa force.

Connaître avant d’agir, est le seul garant de la réussite, en matière de publicité comme ailleurs.”

Tour de France (Luneville-Karlsruhe)
photo credit: m4tik

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Source :

Titre : Traité pratique de publicité commerciale et industrielle. Le mécanisme de la publicité avec diverses applications / D. C. A. Hémet,… ; avec une préface de Emile Gautier

Auteur : Hemet, D.C.A (1866-1916)

Éditeur : “la Publicité” (Paris)

Date d’édition : 1922

Contributeur : Gautier, Émile (1852-1937). Préfacier

Contributeur : Angé, Louis. Éditeur scientifique

Type : monographie imprimée

Langue : Français

Format : 2 t. en 1 vol. (XXIX-250, 298 p.) : ill. ; in-8

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