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Enseignes et boutiques d’Autrefois

L’enseigne et la boutique depuis le Moyen-Age

Enseigne

Les maisons anciennes étaient désignées par des enseignes sur lesquelles se trouvaient des images de saints ou des indications empruntées à la topographie de la ville et à la profession des habitants. Le plus souvent, ces enseignes étaient supportées par des potences en fer forgé, dont quelques-unes, décorées d’enroulements et d’ornements en tôle repoussée, ont mérité d’être conservées dans les musées publics et dans les collections particulières. Les dessinateurs Bérain, Hastié, Fordrin et d’autres serruriers du XVII siècle ont publié des modèles de potences qui sont d’une très gracieuse invention.

Il existait aussi des enseignes de maisons sculptées dans la pierre, qui ont été recueillies par suite de l’intérêt qu’elles offraient pour l’étude des mœurs et des costumes du moyen âge et de la Renaissance. Ce sont, en réalité, des enseignes parlantes, sur lesquelles sont représentés des intérieurs de boutiques, des scènes historiques, des ouvriers à leur travail et des animaux fantastiques. Plusieurs de nos peintres ont parfois employé leurs pinceaux à tracer des enseignes.

Avant Chardin et Géricault, on peut citer Antoine Watteau, dont le tableau qu’il avait exécuté pour la boutique de son ami, Gersaint, marchand de tableaux au pont Notre-Dame, est aujourd’hui conservé dans le palais de Berlin. On voit encore, au-dessus de l’entrée des auberges de province, les panneaux de tôle peinte qui servent d’indication aux voyageurs et aux étrangers en quête de domiciles momentanés.

Source : la grande Encyclopédie

Un support d'enseigne

Un support d'enseigne

 

La boutique et son enseigne

Des baies, des ouvertures, des enfoncées noires et profondes ; ce sont les boutiques d’autrefois, les boutiques qui nous ont été soigneusement transmises par le dix-huitième siècle.

Les boutiques où s’entassent mille marchandises, où se fait un négoce actif et constant ; les boutiques dont le fond est comme une véritable remise d’objets divers, tandis que, devant, sur le seuil, apparaissent, accortes et pimpantes, les belles marchandes esquissées d’une pointe légère en quelque galant almanach, suivant la mode du jour. Les boutiques grandes ouvertes, mais sans fracas, sans luxe de devanture, sans nulle recherche de réclame extérieure, encombrante, envahissante; les boutiques qui, chose bien particulière, donnent aux rues anciennes l’impression d’une sorte d’exposition permanente, sans jamais se déverser sur la rue.

Elles ne connaissent point les attirances des vitrines éclatantes et, cependant, elles sont agrippantes, raccrocheuses, par le va et vient continu des boutiquiers sur le pas des portes ; elles font partie intégrante de la rue et, cependant, c’est pour l’arrière qu’elles réservent leurs trésors.

Elles s’ouvrent sur la rue, elles se laissent voir, elles constituent le décor des voies publiques, elles ont besoin du passant ; il leur faut la vie, la circulation, le mouvement, et à les voir emmagasiner en des recoins ce que nous prenons tant de peine à exposer, à aligner en bonne place, à mettre en « montre », l’on peut se demander si, même contre leur intérêt immédiat, elles ne participèrent pas à cette antipathie d’autrefois – véritable mépris de grand seigneur- pour tout ce qui tenait à l’extérieur. La boutique roturière héritant, sans s’en douter, des prétentions, des ridicules gentilshommesques de la noble, porte-cochère, voilà qui n’est point banal !

Car alors – et c’est là, très certainement, la caractéristique de l’époque – il n’y a pas plusieurs sortes de boutiques, la boutique riche, élégante des quartiers aristocratiques, la boutique étroite, sombre, minable des quartiers populaires. II y a – et ne revient-on pas à cela de nos jours, tant le présent se greffe sur le passé – les quartiers commerçants, industriels, en lesquels se concentre le trafic, les rues marchandes ou mercières, Lyon nous en donne l’exemple, et les quartiers du dolce farniente, aux somptueux hôtels, aux orgueilleuses façades soigneusement emmurées.

Rarement hôtels et boutiques fraternisent, quoique cependant, à Lyon, comme à Paris, l’on puisse citer telles rues où, – profanation, – l’on vend, l’on commerce ouvertement à côté des nobles portes-cochères hermétiquement fermées, dont l’huis, sous la garde du suisse, ne s’ouvre qu’à bon escient.

Et c’est ainsi que, côte à côte, se trouveront enregistrés, lorsque le numérotage des maisons s’imposera, hôtels murés, fermés, tournant le dos à la rue, en mille façons précautionnés contre elle, et boutiques ouvertes à tout venant, boutiques qui sont à la fois le musée et la vie de la Rue, qui amusent et charment le promeneur et qui s’efforcent de répondre à tous les désirs de l’acheteur.

La boutique à travers les âges, ce serait certes un piquant panorama plein d’imprévu et riche en comparaisons. Ici même, seront notées par le crayon certaines différences caractéristiques entre un passé qui n’est plus et un présent qui n’est pas encore parvenu à son complet épanouissement ; mais, pour l’instant, j’entends ne point sortir des généralités.

Tout le moyen âge, au point de vue négoce, tient dans la boutique privée de porte extérieure, prenant jour par cette vaste baie à hauteur d’appui, sur le rebord de laquelle on aligne, on entasse la marchandise à moins qu’on ne la suspende, qu’on ne l’accroche au dessus. Pour acheter point besoin d’entrer : c’est la petite baraque de nos foires, en pierre au lieu de bois, fixe et non nomade.

La boutique qui se peut voir sur toutes les compositions destinées à fixer la physionomie des métiers d’autrefois – telles les planches célèbres signées Jean de Vriesc, Josse Amman, Abraham Bosse ; – la boutique que ne manquent jamais d’indiquer les dessinateurs des amusantes vues d’optique ou des prospects (sic) de villes – la boutique qui se retrouve encore en maintes cités anciennes; la boutique dont Lyon, à lui seul, fournirait plus d’un intéressant spécimen.

A vrai dire un appartement de plein pied, dans lequel on commerce; où la « monstre » se fait de et par l’ouverture de la baie, de cette baie qui sera bientôt la fenêtre et derrière laquelle se verront au travail les artisans, orfèvres, armuriers, coffretiers, potiers, tailleurs, fourreurs, cartiers, cordonniers. Toute la lyre !

Telle une boite hermétiquement fermée s’ouvrant à l’aide de volets qui s’accrochent et de planches à charnières qui retombent.

Calfeutré en son huis, le marchand paisiblement attend l’acheteur; c’est la première période du négoce; la simple réponse à la demande du client.

Mais bientôt le même marchand vient à l’acheteur et la boutique se déverse sur la rue : c’est la seconde période.

A beaux deniers comptants il a obtenu la permission d’étaler et la Police, nous disent les anciens traités sur la matière, considère comme étalages « tout ce que les marchands et les artisans mettent et avancent sur les rues pour leur servir de montres ou d’enseignes » – en un mot tout ce qui est extérieur.

Et savez-vous en quoi consistent ces multiples objets ? Les règlements de voirie vont nous l’apprendre. En auvents, en bancs, en comptoirs, en tables, en selles, en pilles, en taudis (sic), escoffrets, chevalets, escabelles, tranches. Saillies mobilières venant faire concurrence aux saillies réelles, empiétant comme elles sur la rue et gênant, rétrécissant d’autant plus le passage qu’elles accaparent la chaussée elle-même.

En tous pays, en toutes villes, dès la fin du quatorzième siècle, les ordonnances contre cet envahissement très particulier ne se comptent plus.

C’est le commencement de la lutte qui se renouvellera sans cesse, qui dure encore, toujours aussi ardue, et qui, sans doute, jamais ne prendra fin. Et combien humaine cette lutte ! Le boutiquier ne voyant que lui, n’ayant cure que de son intérêt privé, veut étaler dehors et s’étaler le plus possible ; les municipalités prétendent sauvegarder les intérêts et le bien de tous, la Rue, et pour ce faire, elles frappent le boutiquier de droits spéciaux, dits droits de voirie.

D’abord, on avait voulu supprimer radicalement les étalages, tout empiétement extérieur: il fallut y renoncer, et l’ordonnance de 1404, tout en les restreignant, ne put que les consacrer juridiquement.

Ecoutez ce que dit à ce propos l’auteur, toujours renseigné, du Traité de la Police: « Les marchands augmentèrent peu à peu leurs étalages ; la mauvaise interprétation qu’ils donnoient à cette ordonnance put leur servir de prétexte; la jalousie de commerce se mettant de la partie, ils s’habituèrent a les pouffer si avant dans les rues qu’ils en occupoient presque toute la largeur, en sorte que l’on ne pouvoit y passer librement, ni à pied, ni à cheval. Cette licence donna lieu au Magistrat de Police de renouveler les anciennes défenses et de publier une ordonnance, le 12 décembre 1523, par laquelle il défendit à tous marchands et artisans d’eftaller leurs marchandifes sur rues, hors leurs ouvroirs, afin de n’empescher la voye publique. »

« Hors leurs ouvroirs ». Retenez bien ceci, car, à Lyon comme à Paris, comme partout, ce sera le point discutable.

L’ouvroir ! n’est-ce pas la baie qui ouvre sur la rue, la tablette sur laquelle les marchandises se placent « en monftre », l’étalage intérieur; donc, pour ainsi dire, la boutique elle-même avec tous les objets de son commerce.

Mais la boutique, elle, prétend se continuer sur la chaussée; comme si elle grosse toile qu’elle se met devant, – trois choses souvent proscrites, elles aussi, et autant de fois rétablies par les règlements.

Si bien que, par certains côtés, cette lutte entre les marchands et les magistrats de police, pour ou contre la prise de possession de la rue, se pourrait facilement comparer à la lutte soutenue par le pouvoir royal contre l’aristocratie qui, elle aussi, ne veut pas rentrer dans le rang; qui, elle aussi, entend parader au dehors et n’en faire qu’à sa guise.

N’est-ce pas Montaigne qui, en un de ses voyages, parle des boutiquiers qui vous agrippent au passage et, volontiers, vous feraient trébucher contre leurs ballots de marchandises pour tirer ainsi quelque profit de votre chute. Tels les chevaliers bardés de fer et la lance au poing, qui venaient, autrefois, attendre les marchands et leurs convois au coin des bois profonds ou des brusques tournants. La comparaison n’est-elle point toute indiquée !

Ce sont des volets pleins, ce sont des portes pleines – là où l’entrée n’a pas lieu par l’allée – qui ferment les boutiques du moyen âge. De jour, elles se déversent par leurs bancs, par des meubles qui constituent de véritables râteliers à marchandises, tandis que quantité d’autres objets s’accrochent dessous et autour l’auvent. Tout un brinqueballage! Tout un étalage extérieur! Telles encore les boutiques de Berne, sous leurs pittoresques arcades; telles encore les boutiques de certaines villes allemandes, Nuremberg et autres.

Mais vers le milieu du dix-huitième siècle, cette exterritorialité encombrante a dû disparaître; il ne reste plus que quelques objets peu volumineux, comme en les jolies images de Binet pour les Contemporaines, de Restif.

embarras dans une grande ville

embarras dans une grande ville

Source :

Titre : L’enseigne : son histoire, sa philosophie, ses particularités, les boutiques, les maisons, la rue, la réclame commerciale à Lyon / John Grand-Carteret ; croquis vivants de Gustave Girrane

Auteur : Grand-Carteret, John (1850-1927)

Éditeur : H. Falque et F. Perrin (Grenoble)

Date d’édition : 1902

Contributeur : Girrane, Gustave. Illustrateur

Publicité : la définition de la grande Encyclopédie (1885-1902)

La publicité telle que la présente la grande Encyclopédie

PUBLICITE. I. Industrie et commerce.

La publicité ou réclame est l’ensemble des moyens mis en œuvre pour faire connaître au public une entreprise commerciale ou industrielle, le convaincre de la supériorité de ses produits et lui en suggérer, en quelque sorte, le besoin. Elle a existé de tout temps, mais elle n’a atteint le degré de développement que nous lui voyons aujourd’hui, elle n’est devenue elle-même une industrie florissante qu’à une époque récente. Sans confondre, comme l’ont fait certains auteurs, la publicité, au sens que nous donnons ici à ce mot, avec l’histoire, et sans prétendre trouver les origines de la réclame dans les monuments et les inscriptions par lesquels les anciens commémoraient les grands événements et les faits glorieux de leur temps ou divulguaient le texte des lois et les prescriptions de l’autorité, on ne peut nier, cependant, que les Romains, et probablement aussi les Grecs, pratiquaient déjà, non seulement l’affiche électorale, très répandue chez eux, mais aussi l’affiche commerciale la preuve s’en trouve dans quelques vestiges découverts à Pompéi, et, à Rome même, non loin de l’album du préteur, étaient exposées au Forum d’autres tablettes annonçant, des ventes ou des représentations théâtrales.

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Au moyen âge, on ne retrouve rien de semblable. L’affiche est réservée aux rois et autres grands de la terre et la publicité industrielle se trouve à peu près réduite aux cris et crieurs publics. Ces derniers,’ qui s’aidaient de clochettes, de trompettes, de tambourins, formaient, à Paris, une corporation régie, comme les autres, par des statuts particuliers. Son office parait, au surplus, s’être limité, pendant deux siècles, du xine au xve, à « clamer les vins ». Comme, d’autre part, il n’y avait à l’époque que peu de boutiques, presque tous les marchands allaient offrir leur denrées ou leurs articles de porte en porte et ils étaient leurs propres crieurs. De savants érudits, au premier rang desquels il convient de citer Victor Fournel, se sont évertués, de nos jours, à rechercher et à nous faire connaître ces « cris de Paris », aussi pittoresques que variés. Dès la fin du xme siècle, Guillaume de Villeneuve les avait chantés en un curieux petit poème, les Crieries de Paris, conservé en manuscrit à la Bibliothèque nationale, et, un peu plus tard, avait paru, sur le même sujet, une autre petite pièce, non moins célèbre, les Dits du Mercier. Le xvie et le xvne siècle virent réapparaitre t’affiche particulière, mais rigoureusement réglementée et restreinte, ou peu s’en faut, à des avis de ventes plus ou moins judiciaires ou d’assemblées religieuses. Au commencement du XVIIIe siècle, Law s’en servit pour instruire le peuple du cours de ses actions. Puis on la vit demander des engagés volontaires, vanter des produits pharmaceutiques, annoncer des représentations théâtrales. Ces diverses affiches observaient, d’ailleurs, entre elles, sur les murs, un certain rang. « Celles de l’Opéra, dit Mercier dans son Tableau de Paris, dominent toutes les autres les spectacles forains se rangent de côté, comme par respect pour les grands théâtres. Les affiches mondaines et coloriées regardent au loin les affiches pieuses et sans couleur, qui s’éloignent, pour ainsi dire, autant qu’elles le peuvent de l’assemblée profane. »

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II faut arriver à la Révolution, aux premières années duXIXe siècle, pour que la publicité, débarrassée des entraves de toute sorte qui l’avaient jusque-là paralysée, commence à se développer. Elle a grandi, depuis, de façon prodigieuse et incessante, d’abord par le journal politique, qui a été comme son levier, puis et concurremment, par le prospectus, le catalogue, l’affiche. La fièvre d’agio qui a marqué la première moitié du second Empire a contribué, pour une large part, en France, du moins, à cet essor. Les progrès de la fabrication, la diminution des prix de transport, la création de nombreuses agences de distribution, l’ont, de leur côté, considérablement favorisé.

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Les modes de publicité varient naturellement à l’infini.

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L’originalité est même, en la matière, un élément important de succès, puisqu’il s’agit, avant tout, de provoquer l’attention, et il y aura souvent intérêt à faire œuvre personnelle, à imaginer du nouveau. En fait, certains modes de publicité sont devenus classiques. On peut les ramener à peu près tous à. trois formes principales, les grouper en trois classes l’imprimé (prospectus ou catalogue), l’affiche (en papier, murale, lumineuse), l’insertion (annonce, réclame, fait-divers). Entre eux le choix n’est pas toujours aisé, et, pourtant, dans une mesure plus ou moins grande, il s’impose, car, outre qu’il n’est pas de maison dont le budget se prête à l’application de tous à la fois, tous ne conviennent pas à toutes les situations, ne remplissent pas le même office, ne procurent pas les mêmes résultats. Là ou une insertion dans les journaux aura de grandes chances d’être fructueuse, l’envoi de catalogues à domicile sera, au contraire, à peu près certainement stérile, ou réciproquement. Puis, il ne suffit pas de s’arrêter à un mode de publicité il faut le limiter, le localiser, et, ici encore, beaucoup de discernement, une longue expérience personnelle, un sens consommé des affaires sont nécessaires. D’une façon générale, celui qui veut faire de la publicité doit tenir compte de ladestination du produit qu’il lance, de sa nature, de la situation commerciale de sa maison, de sa situation budgétaire. Le produit est-il susceptible d’être acheté par l’universalité du public, sans distinction de profession, de fortune, de sexe ? Ne s’adresse-t-il, au contraire, qu’à un groupe nettement déterminé, comme les officiers, les magistrats, le clergé, les pharmaciens ? ou qu’à un groupe distinct, fondu, en quelque sorte, dans le reste de la population, comme les cyclistes, les chasseurs, les musiciens ? qu’à une fraction localisée, comme une clientèle de voisinage ? qu’aux classes riches ou qu’aux classes populaires? qu’aux hommes à l’exclusion des femmes ou qu’aux femmes à l’exclusion des hommes? Autant de questions que devratout d’abord se poser le ommerçant, et, dans chaque cas, on le conçoit, sa façon de procéder devra être différente, sous peine de laisser « s’égarer » en pure perte une bonne partie de sa publicité. De même, ses procédés d’action varieront suivant qu’il opérera en vue d’un long avenir ou qu’il lancera un article de mode, un produit de circonstance, d’actualité, que ce produit sera de consommation courante, de première nécessité et d’un prix peu élevé, ou qu’au contraire, par sa nature et par sa cherté, il constituera un objet de luxe, qu’il aura les caractères d’une invention nouvelle ou qu’il sera seulement destiné à concurrencer des produits similaires, qu’il s’agira de mener une « publicité d’attaque », pour favoriser l’essor d’un article peu connu, n’ayant pas encore sa place au soleil, ou une « publicité défensive », pour entretenir l’attention sur un article déjà en pleine possession de la faveur du public. Le plus ou moins de notoriété de la maison sera, de son coté, à maints égards, un élément déterminant.
Celle qui jouit déjà d’un grand prestige, qui est « honorablement » connue, n’aura pas besoin de déployer les mêmes efforts, de faire une publicité aussi pressante, aussi bruyante, que celle qui est de création récente ou qui n’a pas encore l’oreille de la foule bien plus, elle se devra à elle-même, à sa «dignité », de se montrer plus réservée, plus circonspecte. D’autre part, il est des fabricants qui vendent directement leurs produits leur publicité sera nécessairement très active, très étendue, plus active et plus étendue que celle des fabricants secondés par de nombreux intermédiaires. Par contre, ces derniers fabricants devront la faire double il leur faudra s’assurer, en effet, outre le concours des intermédiaires, la faveur du public, celle-ci décidant, somme toute, de celui-là. Enfin, la considération budgétaire sera toujours d’un grand poids, sinon prépondérante. La publicité, même restreinte, est onéreuse pour en faire, il faut relativement beaucoup d’argent. Il faut aussi le dépenser à bon escient, c.-à-d. ne pas faire de la publicité intensive pour un objet dont la consommation restera vraisemblablement très modérée. Au début surtout, le ommerçant devra être très prudent, arrêtant d’avance la série des phases par lesquelles il passera et ne s’engageant à fond qu’après avoir tâté le terrain. Mais, dès le début aussi, il lui faudra être certain de pouvoir, une fois engagé, aller de l’avant, sans lésiner.
La réclame n’agit qu’en retenant l’attention, après l’avoir arrêtée, qu’en lui faisant violence; il importe donc qu’elle soit, sinon tapageuse, du moins réitérée, et une publicité insuffisante est presque vouée, par avance, à l’insuccès.

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Le prospectus, sur papier ou sur carte, est le mode de publicité à la fois le plus simple et le moins coûteux. Les frais d’établissement sont minimes 5 fr. du mille, en moyenne, pour un tirage minimum à dix mille et en format in-’16 (llcm X 14om), s’il a une page, 8 fr. s’il en a deux, 12 fr. s’il en a quatre; 8 fr., -12 fr. et 18 fr.en format in-8 (14cm X 22cm) 12 fr., 18 fr-> 27 fr.,
en format in-4 (22cm X 28cm) ces prix étant, du reste, susceptibles de doubler, de tripler et même de quintupler, si le papier employé est de qualité supérieure, si les vignettes sont soignées ou si le tirage est fait en plusieurs couleurs. La distribution a lieu, soit sur la voie publique, soit à domicile, soit par encartage dans les journaux. La distribution sur la voie publique ne con-
vient qu’à une propagande visant des objets de consommation générale. Elle donne ses meilleurs résultats lorsqu’elle est faite dans le voisinage immédiat de la maison intéressée. Les agences spéciales de distribution demandent 2 fr. du mille, environ, en formats in-16 ou in-8, 2 fr. 50 en format in-4. La distribution à domicile a l’avantage de se prêter à des sélections, par régions, par quartiers, par professions et par classes. Elle comporte tout d’abord la confection des adresses et la mise sous bande ou sous enveloppe. La confection des adresses se fait sur des listes. Une maison très achalandée peut utiliser tout d’abord la liste de ses propres clients. Elle sera le plus souvent, insuffisante. Elle aurait, d’ailleurs, le grave inconvénient, employée exclusivement, de s’opposer à toute extension de ses relations. Elle pourra alors ou faire copier d’autres listes, convenablement choisies, ou utiliser le concours, en général plus économique, soit des grandes agences de distribution, soit des petits industriels qui se sont fait une spécialité de cette confection. Nous reparlerons, du reste, des unes et des autres. Un mille d’adresse est payé, en moyenne, fourniture des bandes comprise, de 2 fr. 50 à 3 fr., parfois 4 fr., lorsqu’elles sont prises sur des listes qu’il est difficile de se procurer ou qu’elles sont longues. Les enveloppes sont fournies ou payées en sus. La remise à domicile se fait par la poste ou par les agences. La poste (V. ce mot) prend 0 fr. 01 par prospectus sous bande (jusqu’à 5 gr.), 0 fr. OS par prospectus sous enveloppe'(jusqu’à 50 gr.). Elle « retourne » ceux dont l’adresse est erronée ou incomplète, ce qui procure un sérieux moyen de contrôle. Les agences ne demandent pour le prospectus sous enveloppe que 25 fr. et même 20 fr. par mille, soit 0 fr. 02 par exemplaire pour le prospectus sous bande que 8 fr., mais, en fait, les garanties sont moindres et le contrôle nul. L’encartage dans les journaux et dans les revues se prête, comme la distribution à domicile, à des sélections. Il attire, en outre, assez efficacement l’attention et il assure la remise du prospectus à son destinataire. Mais il peut devenir très dispendieux, le prix, toujours à débattre, étant dans certains périodiques fort élevé (25 à 40 fr. par mille). Le prospectus a un grave défaut. En général, on ne le lit pas. Si on le reçoit dans la rue, on en jonche le sol, sans plus le regarder s’il vous arrive à domicile, on le jette au panier, après un coup d’œil distrait. Il est donc essentiel que, par un moyen quelconque, il oblige l’attention. Il faut, tout d’abord, pour cela qu’il sorte de la banalité, qu’il se présente sous une forme et dans une forme qui plaisent, qui intéressent. Certains commerçants ont essayé de dissimuler leur véritable caractère en imitant le mieux possible la lettre particulière. La lettre manuscrite serait parfaite, mais elle coûterait de 0 fr. 15 à 0 fr. 25, même très courte, comme établissement, plus 0 fr. 45 si elle était adressée par la poste. Il leur a donc fallu se rabattre sur la lettre autographiée. C’est malheureusement un procédé dont personne n’est plus dupe et il est vraisemblable que la circulaire en caractères de machine à écrire, aujourd’hui à la mode et encore efficace, aura, dans un avenir proche, un sort analogue.
La publicité par catalogues est actuellement la plus prisée et, pour la publicité spéciale, limitée, c’est elle, somme toute, qui parait donner les meilleurs résultats. Le catalogue coûte davantage, évidemment, comme établissement, car, outre que l’impression en est plus chère, puisqu’il comporte plus de pages, il nécessite un brochage. Mais il se prête à des développements de toute sorte. Puis, et c’est le point capital, il se conserve. Les grands magasins de nouveautés, les tailleurs, les éditeurs, les marchands de charbon, les pharmaciens, les propriétaires de vignobles, utilisent tout spécialement ce mode de publicité. Ses frais d’envoi sont, à peu de chose près, les mêmes que ceux du prospectus. Ainsi pour un catalogue de 8 à 20 pages à mille exemplaires, les agences prennent, en tout, de 20 à 25 fr. confection des adresses, 2 fr. 50 à 4 fr. enchemisage, collage et adresses, 4 à 5 fr. distribution, 15 à 16 fr. Pour l’expédition par la poste, on trouvera les tarifs, d’après le poids, à l’art. POSTE.

L’affiche, de même que le prospectus distribué sur la voie publique, s’adresse à la généralité des passants. On peut, toutefois, comme pour lui, par un choix judicieux des emplacements, .en concentrer les effets. Il y en a, comme aspect général, de deux sortes l’une criarde, tapageuse, l’ « affiche raccoleuse », l’autre simple et modeste. Chacune a ses avantages, chacune ses défauts. Toutes reviennent très cher. L’impression elle-même coûte peu, s’il s’agit d’une affiche ordinaire, en caractères noirs sur fond de couleur uniforme. Mais il faut payer au fisc un droit de timbre proportionnel à la dimension (0 fr. 06 jusques et y compris quart colombier). Il faut les faire coller 3 fr. le cent environ, en quart colombier (0,41 X 0,30); 4 fr. en demi-colombier (0,60 X 0,41); 6 fr. en colombier (0,82 X 0,60), etc., plus un supplément à débattre, si on colle haut et à l’échelle. Enfin, dans les grandes villes, les sociétés d’annonce et de publicité, qui y possèdent tout un service de correspondants, ont accaparé à peu près toutes les surfaces disponibles, qu’elles ont transformées en « cadres réservés ». L’affiche qu’on y fait apposer est préservée un certain temps dix jours, vingt jours, un mois, trois mois, etc., mais il faut payer à la société pour un mois, par exemple, et en quart colombier, de 13 à 20 fr. par cent. Ce que nous avons dit relativement au prix peu élevé de la confection ne concerne, d’ailleurs, nous l’avons fait remarquer, que l’affiche banale, l’affiche en une seule teinte. Or, elle risque, de nos jours, de passer à peu près inaperçue, et les industriels qui veulent faire une réclame vraiment profitable, lancer un produit, y substituent, à peu près partout, l’affiche artistique en couleurs. Il n’est personne qui n’ait admiré les chefs-d’œuvre réalisés, dans ce genre, grâce au perfectionnement des procédés de tirage, par Chéret, Grasset, Raffet, Mucha, Griin, Steinlen, Guillaume, Tony-Johannot, Lanteuil, et quelques autres. Les compagnies de chemins de fer, pour la représentation des sites et des monuments, des régions fréquentées par les touristes, les théâtres et les journaux pour la reproduction des scènes les plus pathétiques de leurs pièces nouvelles et de leurs feuilletons, les fabricants de produits alimentaires et pharmaceutiques pour la propagande de marques ou de spécialités d’une consommation générale, en ont su tirer un très heureux parti. En quatre couleurs, leur prix moyen, qui comprend dessin, papier et tirage, est, en format colombier (0,82 X 0,60), de 0 fr. 35 l’exemplaire pour un mille, 0 fr. 25 pour deux mille, etc. en format double-colombier (1 ,20 X 0,82), de 0 fr. 50 l’exemplaire pour un mille, de 0 fr. 37 pour deux mille, etc. Il est un peu plus élevé, si le dessin est signé par un « maître de l’affiche ». Outre l’affiche ordinaire en papier, collée sur les murs, la publicité par affiches comprend encore l’affiche murale, qui est peinte soit directement sur les murs, pignons, rampes, etc., affermés en vue de cet usage par des agences spéciales, soit sur des toiles enchâssées dans des cadres en bois et fixées sur les mêmes murs, pignons, rampes, etc.; l’affichage dans les gares, omnibus, bateaux, vagons, etc.; l’affichage sur les rideaux de théâtre l’affichage lumineux, au moyen de transparents ou derrière les vitres des kiosques à journaux, kiosques de voitures, urinoirs, chalets de nécessité, fontaines d’eau chaude, etc. l’affichage ambulant, par les voitures-réclame et les hommes sandwich le tableau-annonce, chez le détaillant, dans les vestibules des hôtels l’enseigne en lettres incandescentes, aux couleurs changeantes et à éclipses, etc. L’insertion tient du prospectus et de l’affiche, en ce que, comme celle-ci, elle s’adresse, en principe, à l’universalité du public, mais que, comme celui-ci, elle se prête à des sélections, d’après le genre, la clientèle particulière et la régionalîté de l’organe. Elle affecte la forme ou de l’annonce, ou du fait divers, ou de l’écho, ou de l’article vulgarisateur. Il en a été, du reste, longuement parlé et les abus auxquels elle prête ont été signalés dans les art. Annonce et Presse nous n’y reviendrons pas. Elle n’utilise pas, au surplus, que les journaux proprement dits et les revues, les almanachs, les annuaires de tous genres,les indicateurs de chemins de fer, les guides de voyage, principalement ceux de Joanne et de « Monsieur de Conty », les programmes des théâtres et concerts leur offrent aussi un large asile.

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Il existe encore quelques autres formes de publicité que leur originalité même soustrait à un classement rigoureux, bien qu’elles se rapprochent toutes quelque peu de celles déjà étudiées. Ainsi les voitures, aux fringants attelages, que font circuler sur la voie publique, sous prétexte de livraisons, nombre de commerçants, les livrées, plus ou moins chamarrées, dont ils revêtent leur personnel extérieur, leurs étalages même sont des succédanés de l’affiche. Les éventails, agendas, calendriers, presse-papiers, ballon, etc., dont d’autres, à certains jours ou tout le long de l’année, font l’offre gracieuse à leur clientèle, peuvent être assimilés à des distributions de prospectus. Enfin, tous les caractères de l’annonce se retrouvent dans les réclames qui illustrent les menus des grands restaurants, les porte-allumettes des cafés, les billets de faveur de certains théâtres.

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A propos de la confection des adresses et de la distribution des imprimés, nous avons été amenés à parler des sociétés et des industriels qui s’en sont fait une spécialité. A Paris, deux importantes maisons, Bonnard-Bidault et Dufayel, constituées en sociétés anonymes et récemment fusionnées sous la dénomination d’ « Affichage national », ont à peu près monopolisé la distribution, en même temps qu’elles se chargent, d’une façon générale, de tous les autres détails de la publicité, depuis la fabrication des prospectus, circulaires, affiches, etc., jusqu’à la confection des adresses, au collage des affiches, à la location des emplacements réservés, à la fourniture des voitures réclames, etc. Elles emploient un personnel considérable, mais fort maigrement rétribué, d’écrivains et de facteurs distributeurs, à la livrée originale bien connue des Parisiens. Il existe, en outre, notamment sur la rive gauche, dans les VIe et VIIe arrondissements, de petits industriels, qui ne se livrent guère qu’à la confection des adresses et qui n’emploient que des écrivains et des plieuses, en nombre plutôt restreint. Les autres agences, dont quelques-unes réalisent des bénéfices considérables, interviennent surtout comme fermiers ou comme courtiers de publicité. Les journaux dont les annonces ne sont pas affermées ont également de semblables courtiers, qui vont les provoquer auprès des commerçants et les rapportent au journal, ils touchent une commission plus ou moins forte (V. PRESSE).

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Quoiqu’elle nous paraisse, à première vue, très développée et que nous la qualifions facilement d’excessive, la publicité est restée, en France, dans l’enfance, relativement à ce qu’elle est dans les pays anglo-saxons, en Angleterre, aux Etats-Unis, et même en Allemagne. Il n’est pas, surtout dans les deux premiers de ces pays, de perfectionnement industriel, de création artistique, de combinaison commerciale, qui ne donne lieu à une réclame ingénieusement et savamment organisée. Cela tient à ce que, d’abord, celle-ci, sous toutes ses formes, y est en néral plus économique que chez nous, puis à ce que le public, au lieu de s’intéresser à peu près exclusivement, comme en France, aux choses de l’ordre intellectuel, s’y préoccupe davantage des problèmes de l’ordre pratique, de l’amélioration de sa vie matérielle, de sorte que le commerçant ou l’industriel, plus certain de voir sa clame lue, d’en tirer un avantage, un profit, hésite moins à en faire.

Source :

Dreyfus, Camille (1851-1905). Éditeur scientifique
Titre : La grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts ([Reprod. en fac-sim.]) par une société de savants et de gens de lettres ; sous la dir. de MM. Berthelot,… Hartwig Derenbourg,… F.-Camille Dreyfus,… A. Giry,… [et al.] Publication : H. Lamirault (Paris) [puis] Société anonyme de “La Grande encyclopédie” (Paris) 1885-1902