textes et sources

La réclame en 1857

Spécimen d’une feuille de réclame parue en 1857

La feuille de publicité "la Réclame"

La feuille de publicité "la Réclame"

Vous trouverez ci-dessous la transcription d’un prospectus de feuille de publicité parue en 1857 proposant ses services pour la diffusion de réclames et publicités. Le modèle ancien des “journaux gratuits” ?


“LA RECLAME

LOCOMOTIVE DU COMMERCE ET DE L’INDUSTRIE

PROGRAMME DES THEATRES, LITTERATURE, CHRONIQUE, ANECDOTES, COMMERCE, INDUSTRIE, ARTS ET SCIENCES

La RÉCLAME, cette déesse dispensatrice de a fortune, reine absolue devant laquelle s’inclinent les entreprises les plus vastes, divinité à laquelle nos autocrates financiers doivent leurs millions, nos plus illustres génies leur gloire, la grande majorité des négociants et industriels de tout ordre leur fortune et leur prospérité, n’a pourtant jusqu’à ce jour été accessible qu’au plus petit nombre, par la raison toute simple qu’il fallait la payer au poids de l’or, c’est-à-dire 5 et 6 fr. la ligne.

Il est vrai qu’à ce prix, elle se déguisait à la troisième page de nos grands journaux sous le voile de l’anonyme; il est vrai que la transparence de ce voile l’a mise au rang du charlatanisme, et qu’aujourd’hui elle est reconnue partout comme une affreuse blague à laquelle nul ne croit à cause de son déguisement. Et pourtant, la Réclame est, plus que jamais, nous ne dirons pas nécessaire, mais indispensable à tout industriel, commissionnaire, marchand ou producteur de toute nature, mais à une seule condition, c’est qu’elle se produise au grand jour. Le règne de Loyola est fini; ce qu’il faut au public, c’est la vérité en face, évidente pour tous. De même que les vieilles boutiques noires et enfumées de la rue Saint-Denis ont fait place aux magasins les plus riches et les plus élégants, la Réclame et la publicité en général, pour être bonnes et fructueuses, doivent être claires, nettes et sincères; en un mot, le public veut que le marchand ou le producteur lui dise : Je vous offre tel article, tel produit à tel prix; venez voir et vous assurer par vous-même.

annonce 1857

Le public ne veut pas de ces articles où un tiers prône telle ou telle maison à 5 fr. la ligne; tout le monde connaît la ficelle et nul n’y croit; ce qui fait que cette publicité ruineuse ne produit rien.

Voilà les motifs qui nous ont engagés à proclamer là Réclame en créant cette feuille qui, bien que paraissant tous les jours, distribuée dans tous les cafés et tous les théâtres, avec le programme et de bonnes productions littéraires, telles que Romans, Histoires, Chroniques, Anecdotes, Arts, Sciences et Industrie, tirée à plusieurs mille exemplaires, offre par conséquent la plus vaste et la meilleure publicité, et à des conditions de prix telles que nul n’a encore osé le faire, savoir :

Article-réclame : 50 centimes la ligne.

Insertions en tous genres, une fois par mois : 50 centimes la ligne

– 10 fois : 30 –

– 30 fois : 20 –

On ne paie rien d’avance, mais seulement sur justification.”

Source : BNF

publicités en 1857

Les Halles, Paris et la charcuterie du “Ventre de Paris” de Zola

Publicité et aménagement d’une boutique à Paris dans la seconde moitié du XIXème siècle

La publicité et la boutique

La nouvelle charcuterie QUENU-GRADELLE présentée par Zola dans « Le ventre de Paris », quartier des Halles.
L’architecte Victor Baltard remporte le concours lancé par la « commission des Halles » qui projette d’édifier douze pavillons couverts de vitrage avec des parois en verre et des colonnettes en fonte. Dix pavillons sont construits entre 1852 et 1872.
C’est le décor que choisit Zola pour son roman « le Ventre de Paris » ; on y trouve outre une description extraordinaire du monde des Halles, la présentation de la charcuterie Quenu-Gradelle qui rassemble les derniers raffinements en matière d’aménagement de lieu de vente.

halles

Les Halles de Paris par Baltard (source Wikipédia)

« Elle faisait presque le coin de la rue Pirouette. Elle était une joie pour le regard. Elle riait, toute claire, avec des pointes de couleurs vives qui chantaient au milieu de la blancheur de ses marbres. L’enseigne, ou le nom de QUENU-GRADELLE luisait en grosses lettres d’or, dans un encadrement de branches et de feuilles, dessine sur un fond tendre, était faite d’une peinture recouverte d’une glace. Les deux panneaux latéraux de la devanture, également peints et sous verre, représentaient de petits Amours joufflus, jouant au milieu de
hures, de côtelettes de porc, de guirlandes de saucisses; et ces natures mortes, ornées d’enroulements et de rosaces, avaient une telle tendresse d’aquarelle, que les viandes crues y prenaient des tons roses de confitures. Puis, dans ce cadre aimable, l’étalage montait. Il était pose sur un lit de fines rognures de papier bleu; par endroits, des feuilles de fougère, délicatement rangées, changeaient certaines assiettes en bouquets entoures de verdure.

C’était un monde de bonnes choses, de choses fondantes, de choses grasses. D’abord, tout en bas, contre la glace, il y avait une rangée de pots de rillettes, entremêles de pots de moutarde. Les jambonneaux désossés venaient au-dessus, avec leur bonne figure ronde, jaune de chapelure, leur manche termine par un pompon vert. Ensuite arrivaient les grands plats: les langues fourrées de Strasbourg, rouges et vernies, saignantes a cote de la pâleur des saucisses et des pieds de cochon ; les boudins, noirs, roules comme des couleuvres bonnes filles; les andouilles, empilées deux a deux, crevant de sante; les saucissons, pareils a des échines de chantre, dans leurs chapes d’argent; les pâtés, tout chauds, portant les petits drapeaux de leurs étiquettes; les gros jambons, les grosses pièces de veau et de porc, glacées, et dont la gelée avait des limpidités de sucre candi. Il y avait encore de larges terrines au fond desquelles dormaient des viandes et des hachis, dans des lacs de graisse figée Entre les assiettes, entre les plats, sur le lit de rognures bleues, se trouvaient jetés des bocaux d’achards, de coulis, de truffes conservées, des terrines de foies gras, des boites moirées de thon et de sardines. Une caisse de fromages laiteux, et une autre caisse, pleine d’escargots bourres de beurre persille, étaient posées aux deux coins, négligemment Enfin, tout en haut, tombant d’une barre a dents de loup, des colliers de saucisses, de saucissons, de cervelas, pendaient, symétriques, semblables a des cordons et a des glands de tentures riches; tandis que, derrière, des lambeaux de crépine mettaient leur dentelle, leur fond de guipure blanche et charnue. Et la, sur le dernier gradin de cette chapelle du ventre, au milieu des bouts de la crépine, entre
deux bouquets de glaïeuls pourpres, le reposoir se couronnait d’un aquarium carre, garni de rocailles, ou deux poissons rouges nageaient, continuellement.

Florent sentit un frisson a fleur de peau; et il aperçut une femme, sur le seuil de la boutique, dans le soleil. Elle mettait un bonheur de plus, une plénitude solide et heureuse, au milieu de toutes ces gaietés grasses. C’était une belle femme. Elle tenait la largeur de la porte, point trop-grosse pourtant, forte de la gorge, dans la maturité de la trentaine. Elle venait de se lever, et déjà ses cheveux, lisses, colles et comme vernis, lui descendaient en petits bandeaux plats sur les tempes. Cela la rendait très-propre. Sa chair paisible, avait cette blancheur transparente, celle peau fine et enrobée des personnes qui vivent d’ordinaire dans les graisses et les viandes crues. Elle était sérieuse plutôt, très-calme et très-lente, s’égayant du regard, les lèvres graves. Son col de linge empesé bridant sur son cou, ses manches blanches qui lui montaient jusqu’aux coudes, son tablier blanc cachant la pointe de ses souliers, ne laissaient voir que des bouts de la robe de cachemire noir, les épaules rondes, le corsage plein, dont le corset tendait l’étoffe, extrêmement Dans tout ce blanc, le soleil brulait. Mais, trempée de clarté, les cheveux bleus, la chair rose, les manches et la jupe éclatantes, elle ne clignait pas les paupières, elle prenait en toute tranquillité béate son bain de lumière matinale, les yeux doux, riant aux Halles débordantes Elle avait un air de grande honnêteté »

Zola : le Ventre de Paris
Source : projet Gutemberg

Zola et le monde du commerce -II-

Après le « vieil Elbeuf » commerce traditionnel dont nous vous avons cité la description de Zola,la présentation du « Bonheur des Dames »

La présentation du grand magasin parisien : le Bonheur des Dames

Zola photographié par Nadar

Zola photographié par Nadar

En face du vieil Elbeuf, le provoquant, se dresse le temple de la consommation : le grand magasin qui prend de plus en plus d’importance à Paris au XIXe siècle. Le roman s’ouvre d’ailleurs avec lui.

« – Ah bien ! reprit-elle après un silence, en voilà un magasin ! C’était, à l’encoignure de la rue de la Michodière et de la rue Neuve-Saint-Augustin, un magasin de nouveautés dont les étalages éclataient en notes vives, dans la douce et pâle journée d’octobre. Huit heures sonnaient à Saint-Roch, il n’y avait sur les trottoirs que le Paris matinal,les employés filant à leur à bureaux et les ménagères courant les boutiques. Devant la porte, deux commis, montés sur une échelle double, finissaient de pendre des lainages, tandis que, dans une vitrine de la rue Neuve-Saint-Augustin, un autre commis, agenouillé et le dos tourné, plissait délicatement une pièce de soie bleue.

Le magasin, vide encore de clientes, et où le personnel arrivait à peine, bourdonnait à l’intérieur comme une ruche qui s’éveille.
– Fichtre ! dit Jean. Ça enfonce Valognes… Le tien n’était pas si beau. Denise hocha la tête. Elle avait passé deux ans là-bas, chez Cornaille, le premier marchand de nouveautés de la ville ; et ce magasin, rencontré brusquement, cette maison énorme pour elle, lui gonflait le coeur, la retenait, émue, intéressée, oublieuse du reste. Dans le pan coupé donnant sur la place Gaillon, la haute porte, toute en glace, montait jusqu’à l’entresol, au milieu d’une complication d’ornements, chargés de dorures. Deux figures allégoriques, deux femmes riantes, la gorge nue et renversée, déroulaient l’enseigne : Au Bonheur des Dames. Puis, les vitrines s’enfonçaient, longeaient la rue de la Michodière et la rue Neuve-Saint-Augustin, où elles occupaient, outre la maison d’angle, quatre autres maisons, deux à gauche, deux à droite, achetées et aménagées récemment. C’était un développement qui lui semblait sans fin, dans la fuite de la perspective, avec les étalages du rez-de-chaussée et les glaces sans tain de l’entresol, derrière lesquelles on voyait toute la vie intérieure des comptoirs. En haut, une demoiselle, habillée de soie, taillait un crayon, pendant que, près d’elle, deux autres dépliaient des manteaux de velours. (…)

Mais Denise demeurait absorbée, devant l’étalage de la porte centrale. Il y avait là, au plein air de la rue, sur le trottoir même, un éboulement de marchandises à bon marché, la tentation de la porte, les occasions qui arrêtaient les clientes au passage.
Cela partait de haut, des pièces de lainage et de draperie, mérinos, cheviottes, molletons, tombaient de l’entresol, flottantes comme des drapeaux, et dont les tons neutres, gris ardoise, bleu marine, vert olive, étaient coupés par les pancartes blanches des étiquettes. À côté, encadrant le seuil, pendaient également des lanières de fourrure, des bandes étroites pour garnitures de robe, la cendre fine des dos de petit-gris, la neige pure des ventres de cygne, les poils de lapin de la fausse hermine et de la fausse martre. Puis, en bas, dans des casiers, sur des tables, au milieu d’un empilement de coupons, débordaient des articles de bonneterie vendus pour rien, gants et fichus de laine tricotés, capelines, gilets, tout un étalage d’hiver, aux couleurs bariolées, chinées, rayées, avec des taches saignantes de rouge.
Denise vit une tartanelle à quarante-cinq centimes, des bandes de vison d’Amérique à un franc, et des mitaines à cinq sous.
C’était un déballage géant de foire, le magasin semblait crever et jeter son trop-plein à la rue. L’oncle Baudu était oublié. Pépé lui-même, qui ne lâchait pas la main de sa soeur, ouvrait des yeux énormes. Une voiture les força tous trois à quitter le milieu de la place ; et, machinalement, ils prirent la rue Neuve-saint-Augustin, ils suivirent les vitrines, s’arrêtant de nouveau devant chaque étalage. D’abord, ils furent séduits par un arrangement compliqué : en haut, des parapluies, posés obliquement, semblaient mettre un toit de cabane rustique ; dessous, des bas de soie, pendus à des tringles, montraient des profils arrondis de mollets, les uns semés de bouquets de roses, les autres de toutes nuances, les noirs à jour, les rouges à coins brodés, les chairs dont le grain satiné avait la douceur d’une peau de blonde ; enfin, sur le drap de l’étagère, des gants étaient jetés symétriquement, avec leurs doigts allongés, leur paume étroite de vierge byzantine, cette grâce raidie et comme adolescente des chiffons de femme qui n’ont pas été portés. Mais la dernière vitrine surtout les retint. Une exposition de soies, de satins et de velours, y épanouissait, dans une gamme souple et vibrante, les tons les plus délicats des fleurs : au sommet, les velours, d’un noir profond, d’un blanc de lait caillé ; plus bas, les satins, les roses, les bleus, aux cassures vives, se décolorant en pâleurs d’une tendresse infinie ; plus bas encore, les soies, toute l’écharpe de l’arc-en-ciel, des pièces retroussées en coques, plissées comme autour d’une taille qui se cambre, devenues vivantes sous les doigts savants des commis ; et, entre chaque motif, entre chaque phrase colorée de l’étalage, courait un accompagnement discret, un léger cordon bouillonné de foulard crème. C’était là, aux deux bouts, que se trouvaient, en piles colossales, les deux soies dont la maison avait la propriété exclusive, le Paris-Bonheur et le Cuir-d’or, des articles exceptionnels, qui allaient révolutionner le commerce des nouveautés. »

Zola. Au bonheur des Dames. Chapitre I. Source : « Inlibroveritas.net »

Publicité : la définition de la grande Encyclopédie (1885-1902)

La publicité telle que la présente la grande Encyclopédie

PUBLICITE. I. Industrie et commerce.

La publicité ou réclame est l’ensemble des moyens mis en œuvre pour faire connaître au public une entreprise commerciale ou industrielle, le convaincre de la supériorité de ses produits et lui en suggérer, en quelque sorte, le besoin. Elle a existé de tout temps, mais elle n’a atteint le degré de développement que nous lui voyons aujourd’hui, elle n’est devenue elle-même une industrie florissante qu’à une époque récente. Sans confondre, comme l’ont fait certains auteurs, la publicité, au sens que nous donnons ici à ce mot, avec l’histoire, et sans prétendre trouver les origines de la réclame dans les monuments et les inscriptions par lesquels les anciens commémoraient les grands événements et les faits glorieux de leur temps ou divulguaient le texte des lois et les prescriptions de l’autorité, on ne peut nier, cependant, que les Romains, et probablement aussi les Grecs, pratiquaient déjà, non seulement l’affiche électorale, très répandue chez eux, mais aussi l’affiche commerciale la preuve s’en trouve dans quelques vestiges découverts à Pompéi, et, à Rome même, non loin de l’album du préteur, étaient exposées au Forum d’autres tablettes annonçant, des ventes ou des représentations théâtrales.

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Au moyen âge, on ne retrouve rien de semblable. L’affiche est réservée aux rois et autres grands de la terre et la publicité industrielle se trouve à peu près réduite aux cris et crieurs publics. Ces derniers,’ qui s’aidaient de clochettes, de trompettes, de tambourins, formaient, à Paris, une corporation régie, comme les autres, par des statuts particuliers. Son office parait, au surplus, s’être limité, pendant deux siècles, du xine au xve, à « clamer les vins ». Comme, d’autre part, il n’y avait à l’époque que peu de boutiques, presque tous les marchands allaient offrir leur denrées ou leurs articles de porte en porte et ils étaient leurs propres crieurs. De savants érudits, au premier rang desquels il convient de citer Victor Fournel, se sont évertués, de nos jours, à rechercher et à nous faire connaître ces « cris de Paris », aussi pittoresques que variés. Dès la fin du xme siècle, Guillaume de Villeneuve les avait chantés en un curieux petit poème, les Crieries de Paris, conservé en manuscrit à la Bibliothèque nationale, et, un peu plus tard, avait paru, sur le même sujet, une autre petite pièce, non moins célèbre, les Dits du Mercier. Le xvie et le xvne siècle virent réapparaitre t’affiche particulière, mais rigoureusement réglementée et restreinte, ou peu s’en faut, à des avis de ventes plus ou moins judiciaires ou d’assemblées religieuses. Au commencement du XVIIIe siècle, Law s’en servit pour instruire le peuple du cours de ses actions. Puis on la vit demander des engagés volontaires, vanter des produits pharmaceutiques, annoncer des représentations théâtrales. Ces diverses affiches observaient, d’ailleurs, entre elles, sur les murs, un certain rang. « Celles de l’Opéra, dit Mercier dans son Tableau de Paris, dominent toutes les autres les spectacles forains se rangent de côté, comme par respect pour les grands théâtres. Les affiches mondaines et coloriées regardent au loin les affiches pieuses et sans couleur, qui s’éloignent, pour ainsi dire, autant qu’elles le peuvent de l’assemblée profane. »

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II faut arriver à la Révolution, aux premières années duXIXe siècle, pour que la publicité, débarrassée des entraves de toute sorte qui l’avaient jusque-là paralysée, commence à se développer. Elle a grandi, depuis, de façon prodigieuse et incessante, d’abord par le journal politique, qui a été comme son levier, puis et concurremment, par le prospectus, le catalogue, l’affiche. La fièvre d’agio qui a marqué la première moitié du second Empire a contribué, pour une large part, en France, du moins, à cet essor. Les progrès de la fabrication, la diminution des prix de transport, la création de nombreuses agences de distribution, l’ont, de leur côté, considérablement favorisé.

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Les modes de publicité varient naturellement à l’infini.

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L’originalité est même, en la matière, un élément important de succès, puisqu’il s’agit, avant tout, de provoquer l’attention, et il y aura souvent intérêt à faire œuvre personnelle, à imaginer du nouveau. En fait, certains modes de publicité sont devenus classiques. On peut les ramener à peu près tous à. trois formes principales, les grouper en trois classes l’imprimé (prospectus ou catalogue), l’affiche (en papier, murale, lumineuse), l’insertion (annonce, réclame, fait-divers). Entre eux le choix n’est pas toujours aisé, et, pourtant, dans une mesure plus ou moins grande, il s’impose, car, outre qu’il n’est pas de maison dont le budget se prête à l’application de tous à la fois, tous ne conviennent pas à toutes les situations, ne remplissent pas le même office, ne procurent pas les mêmes résultats. Là ou une insertion dans les journaux aura de grandes chances d’être fructueuse, l’envoi de catalogues à domicile sera, au contraire, à peu près certainement stérile, ou réciproquement. Puis, il ne suffit pas de s’arrêter à un mode de publicité il faut le limiter, le localiser, et, ici encore, beaucoup de discernement, une longue expérience personnelle, un sens consommé des affaires sont nécessaires. D’une façon générale, celui qui veut faire de la publicité doit tenir compte de ladestination du produit qu’il lance, de sa nature, de la situation commerciale de sa maison, de sa situation budgétaire. Le produit est-il susceptible d’être acheté par l’universalité du public, sans distinction de profession, de fortune, de sexe ? Ne s’adresse-t-il, au contraire, qu’à un groupe nettement déterminé, comme les officiers, les magistrats, le clergé, les pharmaciens ? ou qu’à un groupe distinct, fondu, en quelque sorte, dans le reste de la population, comme les cyclistes, les chasseurs, les musiciens ? qu’à une fraction localisée, comme une clientèle de voisinage ? qu’aux classes riches ou qu’aux classes populaires? qu’aux hommes à l’exclusion des femmes ou qu’aux femmes à l’exclusion des hommes? Autant de questions que devratout d’abord se poser le ommerçant, et, dans chaque cas, on le conçoit, sa façon de procéder devra être différente, sous peine de laisser « s’égarer » en pure perte une bonne partie de sa publicité. De même, ses procédés d’action varieront suivant qu’il opérera en vue d’un long avenir ou qu’il lancera un article de mode, un produit de circonstance, d’actualité, que ce produit sera de consommation courante, de première nécessité et d’un prix peu élevé, ou qu’au contraire, par sa nature et par sa cherté, il constituera un objet de luxe, qu’il aura les caractères d’une invention nouvelle ou qu’il sera seulement destiné à concurrencer des produits similaires, qu’il s’agira de mener une « publicité d’attaque », pour favoriser l’essor d’un article peu connu, n’ayant pas encore sa place au soleil, ou une « publicité défensive », pour entretenir l’attention sur un article déjà en pleine possession de la faveur du public. Le plus ou moins de notoriété de la maison sera, de son coté, à maints égards, un élément déterminant.
Celle qui jouit déjà d’un grand prestige, qui est « honorablement » connue, n’aura pas besoin de déployer les mêmes efforts, de faire une publicité aussi pressante, aussi bruyante, que celle qui est de création récente ou qui n’a pas encore l’oreille de la foule bien plus, elle se devra à elle-même, à sa «dignité », de se montrer plus réservée, plus circonspecte. D’autre part, il est des fabricants qui vendent directement leurs produits leur publicité sera nécessairement très active, très étendue, plus active et plus étendue que celle des fabricants secondés par de nombreux intermédiaires. Par contre, ces derniers fabricants devront la faire double il leur faudra s’assurer, en effet, outre le concours des intermédiaires, la faveur du public, celle-ci décidant, somme toute, de celui-là. Enfin, la considération budgétaire sera toujours d’un grand poids, sinon prépondérante. La publicité, même restreinte, est onéreuse pour en faire, il faut relativement beaucoup d’argent. Il faut aussi le dépenser à bon escient, c.-à-d. ne pas faire de la publicité intensive pour un objet dont la consommation restera vraisemblablement très modérée. Au début surtout, le ommerçant devra être très prudent, arrêtant d’avance la série des phases par lesquelles il passera et ne s’engageant à fond qu’après avoir tâté le terrain. Mais, dès le début aussi, il lui faudra être certain de pouvoir, une fois engagé, aller de l’avant, sans lésiner.
La réclame n’agit qu’en retenant l’attention, après l’avoir arrêtée, qu’en lui faisant violence; il importe donc qu’elle soit, sinon tapageuse, du moins réitérée, et une publicité insuffisante est presque vouée, par avance, à l’insuccès.

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Le prospectus, sur papier ou sur carte, est le mode de publicité à la fois le plus simple et le moins coûteux. Les frais d’établissement sont minimes 5 fr. du mille, en moyenne, pour un tirage minimum à dix mille et en format in-’16 (llcm X 14om), s’il a une page, 8 fr. s’il en a deux, 12 fr. s’il en a quatre; 8 fr., -12 fr. et 18 fr.en format in-8 (14cm X 22cm) 12 fr., 18 fr-> 27 fr.,
en format in-4 (22cm X 28cm) ces prix étant, du reste, susceptibles de doubler, de tripler et même de quintupler, si le papier employé est de qualité supérieure, si les vignettes sont soignées ou si le tirage est fait en plusieurs couleurs. La distribution a lieu, soit sur la voie publique, soit à domicile, soit par encartage dans les journaux. La distribution sur la voie publique ne con-
vient qu’à une propagande visant des objets de consommation générale. Elle donne ses meilleurs résultats lorsqu’elle est faite dans le voisinage immédiat de la maison intéressée. Les agences spéciales de distribution demandent 2 fr. du mille, environ, en formats in-16 ou in-8, 2 fr. 50 en format in-4. La distribution à domicile a l’avantage de se prêter à des sélections, par régions, par quartiers, par professions et par classes. Elle comporte tout d’abord la confection des adresses et la mise sous bande ou sous enveloppe. La confection des adresses se fait sur des listes. Une maison très achalandée peut utiliser tout d’abord la liste de ses propres clients. Elle sera le plus souvent, insuffisante. Elle aurait, d’ailleurs, le grave inconvénient, employée exclusivement, de s’opposer à toute extension de ses relations. Elle pourra alors ou faire copier d’autres listes, convenablement choisies, ou utiliser le concours, en général plus économique, soit des grandes agences de distribution, soit des petits industriels qui se sont fait une spécialité de cette confection. Nous reparlerons, du reste, des unes et des autres. Un mille d’adresse est payé, en moyenne, fourniture des bandes comprise, de 2 fr. 50 à 3 fr., parfois 4 fr., lorsqu’elles sont prises sur des listes qu’il est difficile de se procurer ou qu’elles sont longues. Les enveloppes sont fournies ou payées en sus. La remise à domicile se fait par la poste ou par les agences. La poste (V. ce mot) prend 0 fr. 01 par prospectus sous bande (jusqu’à 5 gr.), 0 fr. OS par prospectus sous enveloppe'(jusqu’à 50 gr.). Elle « retourne » ceux dont l’adresse est erronée ou incomplète, ce qui procure un sérieux moyen de contrôle. Les agences ne demandent pour le prospectus sous enveloppe que 25 fr. et même 20 fr. par mille, soit 0 fr. 02 par exemplaire pour le prospectus sous bande que 8 fr., mais, en fait, les garanties sont moindres et le contrôle nul. L’encartage dans les journaux et dans les revues se prête, comme la distribution à domicile, à des sélections. Il attire, en outre, assez efficacement l’attention et il assure la remise du prospectus à son destinataire. Mais il peut devenir très dispendieux, le prix, toujours à débattre, étant dans certains périodiques fort élevé (25 à 40 fr. par mille). Le prospectus a un grave défaut. En général, on ne le lit pas. Si on le reçoit dans la rue, on en jonche le sol, sans plus le regarder s’il vous arrive à domicile, on le jette au panier, après un coup d’œil distrait. Il est donc essentiel que, par un moyen quelconque, il oblige l’attention. Il faut, tout d’abord, pour cela qu’il sorte de la banalité, qu’il se présente sous une forme et dans une forme qui plaisent, qui intéressent. Certains commerçants ont essayé de dissimuler leur véritable caractère en imitant le mieux possible la lettre particulière. La lettre manuscrite serait parfaite, mais elle coûterait de 0 fr. 15 à 0 fr. 25, même très courte, comme établissement, plus 0 fr. 45 si elle était adressée par la poste. Il leur a donc fallu se rabattre sur la lettre autographiée. C’est malheureusement un procédé dont personne n’est plus dupe et il est vraisemblable que la circulaire en caractères de machine à écrire, aujourd’hui à la mode et encore efficace, aura, dans un avenir proche, un sort analogue.
La publicité par catalogues est actuellement la plus prisée et, pour la publicité spéciale, limitée, c’est elle, somme toute, qui parait donner les meilleurs résultats. Le catalogue coûte davantage, évidemment, comme établissement, car, outre que l’impression en est plus chère, puisqu’il comporte plus de pages, il nécessite un brochage. Mais il se prête à des développements de toute sorte. Puis, et c’est le point capital, il se conserve. Les grands magasins de nouveautés, les tailleurs, les éditeurs, les marchands de charbon, les pharmaciens, les propriétaires de vignobles, utilisent tout spécialement ce mode de publicité. Ses frais d’envoi sont, à peu de chose près, les mêmes que ceux du prospectus. Ainsi pour un catalogue de 8 à 20 pages à mille exemplaires, les agences prennent, en tout, de 20 à 25 fr. confection des adresses, 2 fr. 50 à 4 fr. enchemisage, collage et adresses, 4 à 5 fr. distribution, 15 à 16 fr. Pour l’expédition par la poste, on trouvera les tarifs, d’après le poids, à l’art. POSTE.

L’affiche, de même que le prospectus distribué sur la voie publique, s’adresse à la généralité des passants. On peut, toutefois, comme pour lui, par un choix judicieux des emplacements, .en concentrer les effets. Il y en a, comme aspect général, de deux sortes l’une criarde, tapageuse, l’ « affiche raccoleuse », l’autre simple et modeste. Chacune a ses avantages, chacune ses défauts. Toutes reviennent très cher. L’impression elle-même coûte peu, s’il s’agit d’une affiche ordinaire, en caractères noirs sur fond de couleur uniforme. Mais il faut payer au fisc un droit de timbre proportionnel à la dimension (0 fr. 06 jusques et y compris quart colombier). Il faut les faire coller 3 fr. le cent environ, en quart colombier (0,41 X 0,30); 4 fr. en demi-colombier (0,60 X 0,41); 6 fr. en colombier (0,82 X 0,60), etc., plus un supplément à débattre, si on colle haut et à l’échelle. Enfin, dans les grandes villes, les sociétés d’annonce et de publicité, qui y possèdent tout un service de correspondants, ont accaparé à peu près toutes les surfaces disponibles, qu’elles ont transformées en « cadres réservés ». L’affiche qu’on y fait apposer est préservée un certain temps dix jours, vingt jours, un mois, trois mois, etc., mais il faut payer à la société pour un mois, par exemple, et en quart colombier, de 13 à 20 fr. par cent. Ce que nous avons dit relativement au prix peu élevé de la confection ne concerne, d’ailleurs, nous l’avons fait remarquer, que l’affiche banale, l’affiche en une seule teinte. Or, elle risque, de nos jours, de passer à peu près inaperçue, et les industriels qui veulent faire une réclame vraiment profitable, lancer un produit, y substituent, à peu près partout, l’affiche artistique en couleurs. Il n’est personne qui n’ait admiré les chefs-d’œuvre réalisés, dans ce genre, grâce au perfectionnement des procédés de tirage, par Chéret, Grasset, Raffet, Mucha, Griin, Steinlen, Guillaume, Tony-Johannot, Lanteuil, et quelques autres. Les compagnies de chemins de fer, pour la représentation des sites et des monuments, des régions fréquentées par les touristes, les théâtres et les journaux pour la reproduction des scènes les plus pathétiques de leurs pièces nouvelles et de leurs feuilletons, les fabricants de produits alimentaires et pharmaceutiques pour la propagande de marques ou de spécialités d’une consommation générale, en ont su tirer un très heureux parti. En quatre couleurs, leur prix moyen, qui comprend dessin, papier et tirage, est, en format colombier (0,82 X 0,60), de 0 fr. 35 l’exemplaire pour un mille, 0 fr. 25 pour deux mille, etc. en format double-colombier (1 ,20 X 0,82), de 0 fr. 50 l’exemplaire pour un mille, de 0 fr. 37 pour deux mille, etc. Il est un peu plus élevé, si le dessin est signé par un « maître de l’affiche ». Outre l’affiche ordinaire en papier, collée sur les murs, la publicité par affiches comprend encore l’affiche murale, qui est peinte soit directement sur les murs, pignons, rampes, etc., affermés en vue de cet usage par des agences spéciales, soit sur des toiles enchâssées dans des cadres en bois et fixées sur les mêmes murs, pignons, rampes, etc.; l’affichage dans les gares, omnibus, bateaux, vagons, etc.; l’affichage sur les rideaux de théâtre l’affichage lumineux, au moyen de transparents ou derrière les vitres des kiosques à journaux, kiosques de voitures, urinoirs, chalets de nécessité, fontaines d’eau chaude, etc. l’affichage ambulant, par les voitures-réclame et les hommes sandwich le tableau-annonce, chez le détaillant, dans les vestibules des hôtels l’enseigne en lettres incandescentes, aux couleurs changeantes et à éclipses, etc. L’insertion tient du prospectus et de l’affiche, en ce que, comme celle-ci, elle s’adresse, en principe, à l’universalité du public, mais que, comme celui-ci, elle se prête à des sélections, d’après le genre, la clientèle particulière et la régionalîté de l’organe. Elle affecte la forme ou de l’annonce, ou du fait divers, ou de l’écho, ou de l’article vulgarisateur. Il en a été, du reste, longuement parlé et les abus auxquels elle prête ont été signalés dans les art. Annonce et Presse nous n’y reviendrons pas. Elle n’utilise pas, au surplus, que les journaux proprement dits et les revues, les almanachs, les annuaires de tous genres,les indicateurs de chemins de fer, les guides de voyage, principalement ceux de Joanne et de « Monsieur de Conty », les programmes des théâtres et concerts leur offrent aussi un large asile.

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Il existe encore quelques autres formes de publicité que leur originalité même soustrait à un classement rigoureux, bien qu’elles se rapprochent toutes quelque peu de celles déjà étudiées. Ainsi les voitures, aux fringants attelages, que font circuler sur la voie publique, sous prétexte de livraisons, nombre de commerçants, les livrées, plus ou moins chamarrées, dont ils revêtent leur personnel extérieur, leurs étalages même sont des succédanés de l’affiche. Les éventails, agendas, calendriers, presse-papiers, ballon, etc., dont d’autres, à certains jours ou tout le long de l’année, font l’offre gracieuse à leur clientèle, peuvent être assimilés à des distributions de prospectus. Enfin, tous les caractères de l’annonce se retrouvent dans les réclames qui illustrent les menus des grands restaurants, les porte-allumettes des cafés, les billets de faveur de certains théâtres.

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A propos de la confection des adresses et de la distribution des imprimés, nous avons été amenés à parler des sociétés et des industriels qui s’en sont fait une spécialité. A Paris, deux importantes maisons, Bonnard-Bidault et Dufayel, constituées en sociétés anonymes et récemment fusionnées sous la dénomination d’ « Affichage national », ont à peu près monopolisé la distribution, en même temps qu’elles se chargent, d’une façon générale, de tous les autres détails de la publicité, depuis la fabrication des prospectus, circulaires, affiches, etc., jusqu’à la confection des adresses, au collage des affiches, à la location des emplacements réservés, à la fourniture des voitures réclames, etc. Elles emploient un personnel considérable, mais fort maigrement rétribué, d’écrivains et de facteurs distributeurs, à la livrée originale bien connue des Parisiens. Il existe, en outre, notamment sur la rive gauche, dans les VIe et VIIe arrondissements, de petits industriels, qui ne se livrent guère qu’à la confection des adresses et qui n’emploient que des écrivains et des plieuses, en nombre plutôt restreint. Les autres agences, dont quelques-unes réalisent des bénéfices considérables, interviennent surtout comme fermiers ou comme courtiers de publicité. Les journaux dont les annonces ne sont pas affermées ont également de semblables courtiers, qui vont les provoquer auprès des commerçants et les rapportent au journal, ils touchent une commission plus ou moins forte (V. PRESSE).

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Quoiqu’elle nous paraisse, à première vue, très développée et que nous la qualifions facilement d’excessive, la publicité est restée, en France, dans l’enfance, relativement à ce qu’elle est dans les pays anglo-saxons, en Angleterre, aux Etats-Unis, et même en Allemagne. Il n’est pas, surtout dans les deux premiers de ces pays, de perfectionnement industriel, de création artistique, de combinaison commerciale, qui ne donne lieu à une réclame ingénieusement et savamment organisée. Cela tient à ce que, d’abord, celle-ci, sous toutes ses formes, y est en néral plus économique que chez nous, puis à ce que le public, au lieu de s’intéresser à peu près exclusivement, comme en France, aux choses de l’ordre intellectuel, s’y préoccupe davantage des problèmes de l’ordre pratique, de l’amélioration de sa vie matérielle, de sorte que le commerçant ou l’industriel, plus certain de voir sa clame lue, d’en tirer un avantage, un profit, hésite moins à en faire.

Source :

Dreyfus, Camille (1851-1905). Éditeur scientifique
Titre : La grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts ([Reprod. en fac-sim.]) par une société de savants et de gens de lettres ; sous la dir. de MM. Berthelot,… Hartwig Derenbourg,… F.-Camille Dreyfus,… A. Giry,… [et al.] Publication : H. Lamirault (Paris) [puis] Société anonyme de “La Grande encyclopédie” (Paris) 1885-1902

La publicité sous la Restauration en France (1814-1830) -II-

HISTOIRE DE LA GRANDEUR ET DE LA DÉCADENCE DE

CÉSAR BIROTTEAU – Présentation de la fameuse

“Huile céphalique”

Honoré de Balzac en 1849 par David d'Angers

Honoré de Balzac en 1849 par David d'Angers

Toujours dans le même roman Balzac présente un second prospectus publicitaire émis par un des personnages du roman : Popinot.

“– Monsieur, dit Popinot, un prospectus est souvent toute une fortune.

— Et souvent, dit Andoche, la fortune n’est qu’un prospectus.

— Ah ! très-joli, dit Gaudissart. Ce farceur d’Andoche a de l’esprit comme les quarante.

— Comme cent, dit Popinot stupéfait de cette idée.

L’impatient Gaudissart prit le manuscrit et lut à haute voix et avec emphase : Huile Céphalique !

— J’aimerais mieux Huile Césarienne, dit Popinot.

— Mon ami, dit Gaudissart, tu ne connais pas les gens de province : il y a une opération chirurgicale qui porte ce nom-là, et ils sont si bêtes qu’ils croiraient ton huile propre à faciliter les accouchements ; et de là pour les ramener aux cheveux, il y aurait trop de tirage.

— Sans vouloir défendre mon mot, dit l’auteur, je vous ferai observer que Huile Céphalique veut dire huile pour la tête, et résume vos idées.

— Voyons ? dit Popinot impatient.

Voici le prospectus tel que le commerce le reçoit par milliers encore aujourd’hui. (Autre pièce justificative.)

MEDAILLE D’OR A L’EXPOSITION DE 1819.

HUILE CEPHALIQUE.

BREVETS D’INVENTION ET DE PERFECTIONNEMENT.

Nul cosmétique ne peut faire croître les cheveux, de même que nulle préparation chimique ne les teint sans danger pour le siége de l’intelligence. La science a déclaré récemment que les cheveux étaient une substance morte, et que nul agent ne peut les empêcher de tomber ni de blanchir. Pour prévenir la Xérasie et la Calvitie, il suffit de préserver le bulbe d’où ils sortent de toute influence extérieure atmosphérique, et de maintenir à la tête la chaleur qui lui est propre. L’HUILE CEPHALIQUE, basée sur ces principes établis par l’Académie des sciences, produit cet important résultat, auquel se tenaient les anciens, les Romains, les Grecs et les nations du Nord auxquelles la chevelure était précieuse. Des recherches savantes ont démontré que les nobles, qui se distinguaient autrefois à la longueur de leurs cheveux, n’employaient pas d’autre moyen ; seulement leur procédé, habilement retrouvé par A. Popinot, inventeur de l’HUILE CEPHALIQUE, avait été perdu.

Conserver au lieu de chercher à provoquer une stimulation impossible ou nuisible sur le derme qui contient les bulbes, telle est donc la destination de l’HUILE CEPHALIQUE. En effet, cette huile, qui s’oppose à l’exfoliation des pellicules, qui exhale une odeur suave, et qui, par les substances dont elle est composée, dans lesquelles entre comme principal élément l’essence de noisette, empêche toute action de l’air extérieur sur les têtes, prévient ainsi les rhumes, le coryza, et toutes les affections douloureuses de l’encéphale en lui laissant sa température intérieure. De cette manière, les bulbes qui contiennent les liqueurs génératrices des cheveux ne sont jamais saisies ni par le froid, ni par le chaud. La chevelure, ce produit magnifique, à laquelle hommes et femmes attachent tant de prix, conserve alors, jusque dans l’âge avancé de la personne qui se sert de l’HUILE CEPHALIQUE, ce brillant, cette finesse, ce lustre qui rendent si charmantes les têtes des enfants.

LA MANIERE DE S’EN SERVIR est jointe à chaque flacon et lui sert d’enveloppe.

MANIERE DE SE SERVIR DE L’HUILE CEPHALIQUE.

Il est tout a fait inutile d’oindre les cheveux ; ce n’est pas seulement un préjugé ridicule, mais encore une habitude gênante, en ce sens que le cosmétique laisse partout sa trace. Il suffit tous les matins de tremper une petite éponge fine dans l’huile, de se faire écarter les cheveux avec le peigne, d’imbiber les cheveux à leur racine de raie en raie, de manière à ce que la peau reçoive une légère couche, après avoir préalablement nettoyé la tête avec la brosse et le peigne.

Cette huile se vend par flacon, portant la signature de l’inventeur pour empêcher toute contrefaçon, et du prix de TROIS FRANCS, chez A. POPINOT, rue des Cinq-Diamants[Erreur du Furne : rue des Cinq-Diaments.], quartier des Lombards, à Paris.

ON EST PRIE D’ECRIRE FRANCO.

Nota. La maison A. Popinot tient également les huiles de la droguerie, comme néroli, huile d’aspic, huile d’amande douce, huile de cacao, huile de café, de ricin et autres. ”

HISTOIRE DE LA GRANDEUR ET DE LA DECADENCE DE CESAR BIROTTEAU
(Volume 10) Études de moeurs. Scènes de la vie parisienne. Balzac. La Condition humaine. Edition critique en ligne.
Source : La publication en mode texte de la première édition de La Comédie humaine (dite édition Furne, 1842-1855), paginée et encodée, est le fruit d’un partenariat entre le Groupe International de Recherches Balzaciennes, la Maison de Balzac (musée de la Ville de Paris) et le groupe ARTFL de l’Université de Chicago.