textes et sources

L’annonceur dans les années 1920

Qu’est ce qu’un annonceur ?

“Le mot « Annonceur » est venu pour la première fois sous notre plume, et il nous semble nécessaire d’en fournir une définition exacte, car nous aurons, à l’avenir, de fréquentes occasions de l’employer.
Le premier, en France, nous avons, presque au début du siècle, donné un sens à ce néologisme, et ce ne fut pas sans contestations qu’on l’adopta. L’usage, en effet, voulait jusqu’alors que le commerçant, l’industriel, le marchand qui recours

Or, il est admis, dans le monde de la presse particulièrement, que le typographe chargé dans une imprimerie de composer les annonces porte ce nom d’annoncier ; on dit aussi l’annoncier,par extension, de l’employé qui, dans l’administration d’un journal, a pour tâche de recevoir du public, à son guichet, les annonces qui doivent y être insérées.

Il nous a paru qu’en un temps où la publicité est appelée à acquérir son plus grand développement, et où toute une littérature se fonde pour en vulgariser les principes, il n’était pas logique qu’on désignât indistinctement sous le nom d’annoncier le typographe qui compose l’annonce, l’employé qui en reçoit le prix et le commerçant qui la paie et qui en bénéficie.

La langue anglaise, du reste, désigne sous le nom d’Advertiser celui qui fait de la publicité, du verbe to advertise (annoncer). N’était-il pas logique d’appeler, en français, Annonceur, celui qui, de même, annonce ? Et puis, il nous a semblé qu’il existe une raison plus solide encore pour adopter ce vocable dans cette acception; c’est qu’ainsi, le mot annoncier conservant son sens pour désigner celui qui manutentionne, en quelque sorte, l’annonce, et celui qui la vend, aucune confusion
ne pourra subsister désormais entre ces deux termes, d’autant que le besoin du premier, pour désigner celui qui annonce, se faisait vraiment sentir pour être clair dans des écrits ayant la
publicité pour objet.

L’éminent critique et professeur Emile Faguet, consulté sur ce point de linguistique, a bien voulu nous donner entièrement raison.

Nous appellerons donc Annonceur tout commerçant tout industriel qui use de la publicité pour le bien de son commerce, de son industrie, quelle que soit la forme qu’il choisisse pour cette publicité.

Aujourd’hui, du reste, le terme d’Annonceur est le terme adopté par tous ceux qui sont au courant de la question.

Cette digression terminée, et maintenant que nous avons montré le caractère scientifique de la publicité, dans sa conception, et ses affinités nombreuses, avec la psychologie, dont elle n’est, dans ses premières modalités, qu’une branche, il nous reste à dire en quoi la publicité est aussi un art.

La publicité=art.

Si, en fait, la publicité est une science dans sa conception, c’est également un art, mais seulement dans son exécution, dans sa pratique. Certains esprits, qui sauront parfaitement concevoir un plan de publicité, se montreront inférieurs pour en réaliser l’exécution. Esprits trop positifs, il leur manque la somme de sentiment artistique indispensable pour .mener ce plan à son.aboutissement naturel : le succès.

La science psychologique, en publicité, fera percevoir la mentalité des individus à laquelle elle doit s’adresser; elle révélera leurs défauts, leurs qualités, leurs faiblesses ; mais elle sera impuissante à trouver les images, les formules par lesquelles ces individus pourront être persuadés et conquis. C’est l’art de la publicité qui supplée à cette lacune de la publicité-science.

Cela revient à dire que la pratique de la publicité ne possède en elle-même rien qui soit athématique. C’est le résultat d’observations plus ou moins nombreuses desquelles on peut tirer des déductions plus ou moins stables, plus ou moins fixes; et il faut qu’on le sache bien, ces déductions.n’auront de
fermeté et de solidité que dans le cercle particulier où l’on sera à même de les obtenir. La publicité est donc une voie semée d’ornières et de culs-de-sac, où l’on ne doit s’engager qu’avec réflexion et prudence, et non sans avoir soigneusement repéré le chemin derrière soi.

A chaque sorte d’affaires, sa publicité propre. Savoir ne rien emprunter à personne est une des premières conditions de la réussite. D’abord, parce que chaque affaire exige un mode et des moyens de publicité en quelque sorte personnels; ensuite parce que l’une des conditions primordiales auxquelles elle est soumise est l’originalité. Nous ne disons pas l’excentricité.

Pour cela, l’Annonceur avisé doit se rappeler, à chaque minute, qu’il n’est pas seul à faire de la publicité, qu’il a ses concurrents déjà nés ou à venir, et il lui faut, constamment, avoir les yeux fixés sur les divers points de son horizon commercial, afin d’être toujours informé de ce qui se fait, de ce qui se fera et de tout ce qui peut lui venir d’heureux ou de malheureux par le fait d’autrui.

Constamment instruit des conditions du monde extérieur, il puise dans cette connaissance les ressources voulues pour donner à sa publicité l’extension dont elle est susceptible, sans la faire sortir du cadre exact qui lui convient, et pour lui assurer ce caractère de nouveauté, d’originalité — et aussi de PERSUASION — qui fait toute sa force.

Connaître avant d’agir, est le seul garant de la réussite, en matière de publicité comme ailleurs.”

Tour de France (Luneville-Karlsruhe)
photo credit: m4tik

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Source :

Titre : Traité pratique de publicité commerciale et industrielle. Le mécanisme de la publicité avec diverses applications / D. C. A. Hémet,… ; avec une préface de Emile Gautier

Auteur : Hemet, D.C.A (1866-1916)

Éditeur : “la Publicité” (Paris)

Date d’édition : 1922

Contributeur : Gautier, Émile (1852-1937). Préfacier

Contributeur : Angé, Louis. Éditeur scientifique

Type : monographie imprimée

Langue : Français

Format : 2 t. en 1 vol. (XXIX-250, 298 p.) : ill. ; in-8

Gallica

La publicité vue par un manuel dans les années 1920

Les Principes Généraux de la Publicité

CHAPITRE PREMIER

NOTIONS PRÉLIMINAIRES

QU’EST-CE QUE LA PUBLICITE ?

Définissons d’abord ce que l’on doit entendre par « Publicité » :

Ce sont les moyens de toute sorte destinés à faille connaître au plus grand nombre d’individus possible les produits du commerce et de l’industrie, afin de développer d’abord, de satisfaire ensuite, tous leurs besoins, en les incitant à une acquisition, à une dépense.

La publicité est donc, avant tout, une affaire d’argent. C’est une affaire d’argent pour celui qui consomme et qui paie; c’est encore — et bien plus —une affaire d’argent pour celui qui publie, qui annonce, puisqu’il ne peut publier, annoncer sans débours.

Le problème, pour celui qui annonce, qui publie, est de dépenser le moins possible pour encaisser le plus.. Ou bien, ce qui serait plus exact, de dépenser utilement le plus possible, pour encaisser, en numéraire, le maximum des recettes que sa dépense peut lui procurer. C’est ici qu’est le noeud de la question. C’est ce noeud que nous voulons nous efforcer de trancher avec précision. Mais on
saisit, par cette explication, combien les lois de la publicité sont d’ordre purement matériel et économique, et combien notre théorie, QUE NOUS APPUYONS UNIQUEMENT SUR LA PRATIQUE, est différente de celles qui tendent à vouloir faire de la publicité une science entièrement abstraite et d’essence purement psychologique. Certes, pour mettre en oeuvre ces lois, il faut de la psychologie. Mais cette psychologie NE VA PAS AU DELÀ DES SENTIMENTS SIMPLES ET NATURELS et elle ne nous entraîne pas jusqu’à exiger de nous la connaissance absolue et scientifique des tréfonds de l’âme humaine.

Avant d’entrer dans le détail de la publicité, quelques consi dérations accessoires nous paraissent devoir prendre leur place ici. –

Disons, notamment, qu’un économiste allemand, le professeur Werner Sombart, qui, d’ailleurs, n’aime pas la publicité, a cherché, dans le journal berlinois der Morgen, n° 10, 1908, et dans la
Zukunft, 27 juin 1908 (l’étude publiée dans cette revue porte le titre caractéristique de lhre Majestàt die Rehlame), à faire un départ entre la publicité et la réclame.

Réclame et publicité.

Le professeur Sombart voudrait que l’on ne considérât comme de la publicité que toutes les choses, toutes les informations ayant un caractère d’utilité générale : la littérature destinée à faire connaître une invention, à répandre le nom d’un homme, d’un savant, d’un explorateur, à signaler les beautés d’un livre, d’une découverte, etc. La publicité, pour lui, serait seulement ce qui s’affiche, ce qui s’imprime, sans que cet affichage, cette impression donnent lieu à une tractation commerciale quel-
conque. C’est, en somme, la publicité gratuite et désintéressée.

Par opposition, il classe sous la dénomination de réclame, dans son sens le plus péjoratif, toute publication, toute impression qui donnent lieu, pour celui au bénéfice, au profit de qui elles sont faites, à un débours d’argent, à des contrats, à des traités commerciaux. La réclame serait, pour lui, la forme mercantile de la publicité.

Pour nous, Français, nous établirons également une différence entre la publicité et la réclame, en ce sens que nous réserverons de préférence le mot de réclame pour désigner la publicité tapageuse ou malhonnête, la publicité prise dans une acception péjorative. En outre, dans un sens plus restreint, le mot de réclame désigne aussi une forme spéciale d’annonce, comme nous le verrons plus tard. I

LA PUBLICITE EST-ELLE UNE SCIENCE ?

EST-ELLE UN ART ?

La publicité=science.

On s’est souvent demandé si la publicité était une science ou était un art. Cette question, quoique d’importance secondaire au point de vue pratique, mérite d’être élucidée.

Il faut- répondre, sans hésiter, une science et un art. C’est une science dans sa conception, par exemple; mais une science purement psychologique, par conséquent, et de nature essentiellement philosophique.

Si nous n’admettons pas que la publicité appartienne au domaine de la psychiatrie, elle n’exclut pas pour cela l’application des lois de la psychologie élémentaire. Puisqu’en effet, nous affirmons qu’elle SUGGÈRE SANS SUGGESTIONNER, il apparaît que celui qui en fait doit savoir comment, par quels moyens, par quels calculs, il parviendra à agir sur le public à qui il s’adresse, de manière à lui suggérer l’envie, puis le besoin de la chose offerte. L’étude des divers mouvements de l’âme et des
formes variées qu’affectent les sentiments se place au premier rang des facteurs à envisager, sans que pour cela, ainsi que nous l’avons dit déjà, cette étude comporte la recherché des solutions compliquées de la psychologie subjective et la connaissance des abstractions impondérables de la conscience.

Les sentiments qui entrent le plus fréquemment en jeu dans l’influence exercée par la publicité sont les suivants :
La curiosité, La vanité, La pusillanimité,

L’intérêt, La confiance, La cupidité.

La propriété La crédulité, (ou possession),

LES SENTIMENTS MOTEURS DE LA PUBLICITÉ

La curiosité.

C’est le sentiment le plus commun et le plus faible qu’on puisse pratiquement exciter par la publicité. On peut même assurer qu’il est le premier qu’on doive s’attacher à faire mouvoir, les autres sentiments lui étant subordonnés. La curiosité n’est pas encore l’intérêt, mais elle y conduit, et c’est en excitant la curiosité d’abord qu’on parviendra à faire éprouver ensuite les divers autres sentiments.

EXEMPLE :

C’EST DEMAIN QUE
s’ouvrira, au132 de lu rue d’Hauteville, la nouvelle brasserie « Belgiea » où l’on trouvera
toujours, à toute heure, de l’excellente choucroute et des saucisses de Strasbourg de provenance directe.

Tous les Belges de passage à Paris ou l’habitant se feront certainement une joie de visiter ce splendide établissement, dont l’aménagement et ta décoration ont été copiés sur ceux des plus
célèbres brasseries de Bruxelles, Belgica » restera ouverte jusqu’à deux heures du matin.

Ici, la curiosité est suscitée simplement par les premiers mots de l’annonce. L’intérêt est réservé
jusqu’au moment où le texte aura appris au lecteur quel événement doit se produire le lendemain.

Mais si ce lecteur n’aime pas la bière belge, s’il déteste la choucroute et les saucisses de Strasbourg, ni l’intérêt, ni aucun des sentiments moteurs ne seront excités.

L’intérêt.

La curiosité éveillée, il ne s’ensuit pas toujours que sa satisfaction aura fait naître l’intérêt. Du resté, l’intérêt n’est pas un sentiment impérieux. Il ne commande pas l’acte, mais il le fait admettre comme possible, comme réalisable, dans certaines circonstances et sous certaines conditions. L’intérêt, qui suit la curiosité, précède, comme elle, tous les autres sentiments que la publicité provoque. Si, après avoir éveillé la curiosité, il n’en résultait pas de l’intérêt pour la chose annoncée, c’est que la publicité n’aurait pas été pourvue de l’énergie suffisante à son action. Elle n’opérerait pas alors, et ne provoquerait pas à l’acte, acte d’achat généralement.

La publicité théâtrale offre de nombreux exemples de publicité simplement créatrice d’intérêt.

EXEMPLE :

— Après quelques retards, nécessités par la mise en scène très compliquée, la Direction du Théâtre
des Nouveautés annonce pour lundi irrévocablement la répétition générale de la pièce nouvelle de M. Edgard Turlupin, l’auteur si souvent applaudi de : II n’y a plus d’enants. Le titre de l’oeuvre nouvelle du délicat écrivain est : Cherchez la femme. Polaire a trouvé, dans le rôle de Mme Bouleslin, une des créations les plus remarquables de sa carrière et on nous fait prévoir, outre des débuts sensationnels, une véritable révélation, avec Paulus, qui interprétera le rôle du général Moreau-Cbandonncur. Le bureau de location est ouvert dès à présent pour les représentations du mardi 23 et les suivantes.

Le lecteur a été intéressé par l’annonce de ce spectacle nouveau; mais il se réserve le plus souvent
et se dit qu’il ira voir cette pièce si : les journaux en font un compte rendu élogieux, si sa femme consent a 1 y accompagner, si le temps est favorable, si, le jour où il pourra se rendre au théâtre, ses
mo3rens lui permettent de prendre deux fauteuils, si son ami le journaliste lui procure des billets de faveur, etc.

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photo credit: Omar Omar

Source

Titre : Traité pratique de publicité commerciale et industrielle. Le mécanisme de la publicité avec diverses applications / D. C. A. Hémet,… ; avec une préface de Emile Gautier

Auteur : Hemet, D.C.A (1866-1916)

Éditeur : “la Publicité” (Paris)

Date d’édition : 1922

Contributeur : Gautier, Émile (1852-1937). Préfacier

Contributeur : Angé, Louis. Éditeur scientifique

Type : monographie imprimée

Langue : Français

Format : 2 t. en 1 vol. (XXIX-250, 298 p.) : ill. ; in-8

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La publicité au début du XXeme siècle

La publicité et son fonctionnement décrits en 1922

La Publicité est-elle un art ou une science ? Elle est apparemment l’un et l’autre. Autrement, ce curieux Traité Pratique de Publicité, le premier ouvrage de ce genre publié en langue française, dont mon ami Hémet vient de me faire l’honneur de me communiquer les bonnes feuilles, n’aurait ni sens ni raison d’être. Que, tout d’abord, la Publicité soit un art, c’est l’évidence même; non seulement, elle met en oeuvre et à contribution, le cas échéant, tous les arts, jusques et y compris l’art de bien
dire — et la poésie elle-même — niais elle a enfanté, de toutes pièces, des arts nouveaux : l’art de l’affiche, par exemple, qui ne le cède pour l’envergure et la maîtrise à nul autre. Peut-être même aurait-on, dans une certaine mesure, le droit de dire qu’elle les a enfantés tous, la peinture, la sculpture, l’architecture ayant à toutes les époques, depuis la préhistoire jusqu’à nos jours et dans
tous les pays, défrayé les publicités politiques, religieuses, militaires, commerciales, etc., dont peuples, princes, partis ou sectes avaient besoin pour rallier les enthousiasmes et susciter des sacrifices, au profit de leur ambition, de leur intérêt ou de leur orgueil. Combien, par le fait, de ces chefs-d’oeuvre dont nous admirons la beauté soi-disant désintéressée, n’ont été, dans leur inspiration initiale, que des réclames ou des enseignes?

Telle même que nous la comprenons aujourd’hui, sous sa forme restreinte et spécialisée au commerce et à l’industrie, la Publicité est en soi un art, voire même un art difficile et délicat, exigeant de ceux qui le pratiquent comme de ceux qui en font les frais, infiniment de tact, de savoir- faire et d’ingéniosité.

La Publicité est-elle en même temps une science? La question ne se pose même pas, tous les actes humains ou plutôt tous les phénomènes quelconques étant conditionnés par des rapports nécessaires dérivant de la nature des choses, dont la détermination est précisément objet de science.

La Publicité peut se définir: « L’ensemble des moyens de toutes sortes, destinés à faire connaître les produits du commerce et de l’industrie au plus grand nombre de personnes possible, de façon à suggérer le désir d’en faire l’acquisition au prix d’un sacrifice d’argent. » Il importe donc de savoir quels sont les meilleurs moyens d’obtenir ce double résultat dans le temps et dans l’espace, en fonction du milieu, des circonstances, de la clientèle, etc.. Il est, en effet, de toute évidence, que ces moyens varient avec les époques, avec les régions, avec les racés, avec les habitudes locales, avec le plus ou moins de facilité des communications, avec, l’état d’âme des multitudes ; ils ne sont pas aujourd’hui ce qu’ils étaient il y a vingt ans, ni ce qu’ils seront demain; les méthodes qui réussissent en Amérique, ne réussiraient pas, en dépit d’une légende qui a déjà fait d’innombrables victimes, en France où les conditions économiques et sociales sont si différentes. C’est à la science qu’il appartient de dégager de cet imbroglio les lois fondamentales auxquelles est subordonnée la
solution optima du problème.

Besogne d’autant plus ardue et compliquée que, une fois ces lois dégagées des faits-multiples et contradictoires qui les dissimulent, il reste encore à en tirer, pour chaque cas particulier, telle conclusion pratique que de droit. Il ne suffit pas de posséder à fond les principes de la mécanique pour être en mesure de dessiner et de construire une machine parfaite. Il ne suffit pas davantage d’être un psychologue émérite ni de connaître théoriquement les ressorts qui gouvernent les désirs et les volontés des hommes : il faut encore savoir manier ces ressorts, traduire ces théories en actes, en formules, en images susceptibles d’agir efficacement sur les volontés et les désirs, de façon à persuader le public qu’il est de son intérêt de consentir les sacrifices escomptés. Voilà comment et
pourquoi les spéculations de la Publicité-Science doivent se compléter de la technique Publicité-Art.

Telle est la thèse que l’ami Hémet soutient dans son Traité Pratique de Publicité avec la maestria, la précision, l’éloquence communicative que seule peut donner une longue expérience au service d’aptitudes natives hors de pair.

Il est permis de dire que ce livre vient juste à point, et que le besoin s’en faisait positivement sentir.

Sans doute, dans plusieurs pays, en Angleterre, en Allemagne, en Amérique surtout, la Publicité a fait déjà l’objet d’études systématiques qui ne sont point sans valeur. Mais jusqu’à ces derniers temps, en France du moins, l’empirisme y régnait en maître. Comme on n’en avait pas compris l’importance, une importance qui va en grandissant au fur et à mesure que les marchés s’élargissent et que la concurrence devient plus acharnée, elle fut, au début, monopolisée à peu près exclusivement par les charlatans et les faiseurs : ce qui acheva de la déconsidérer. Il fallut pourtant y venir : peut-être y vint-on même avec trop de furia, sans plus de souci des contingences que des principes généraux, et avec cette idée, bien française, « qu’on se débrouillerait toujours ». Beaucoup, à cette audace inconsidérée, ont perdu des plumes, si bien — ou plutôt si mal — que les préventions contre la Publicité se seraient irrémédiablement aggravées si certains triomphes sensationnels et de plus en plus nombreux, uniquement dus à son emploi judicieux, n’avaient
fini par démontrer aux plus sceptiques qu’il y la .là un instrument de travail de premier ordre, indispensable à qui veut faire du négoce, traiter des affaires et amplifier son champ d’action. Malheureusement, il n’en est sorti ni un système, ni une méthode, les triomphateurs imprégnés d’une méfiance plus démocratique encore que nationale, se gardant bien de vulgariser les heureux procédés auxquels ils avaient dû leur succès, si tant est qu’ils s’en fussent rendu compte eux-mêmes. (Ainsi s’explique l’incohérence et la confusion qui paralysèrent jusqu’à ces derniers temps la Publicité française, et l’incertitude de ses résultats.) Mais, chez nous, le bon sens, qui est, avec
l’instinct de la mesure, l’une des caractéristiques du génie de la race, ne perd jamais ses droits. Contrairement à nos traditions, nous n’aurons été, sur ce terrain, que les ouvriers de la onzième heure, mais certains indices du meilleur augure permettent d’espérer que nous aurons tôt fait de regagner l’avance perdue.

N’est-ce pas un signe des temps qu’une grande École commerciale, considérant que la Publicité doit être objet d’enseignement au même titre que les langues étrangères ou la comptabilité, ait cru devoir créer à. cet effet une chaire spéciale, et que le premier titulaire de cette chaire ait immédiatement éprouvé le besoin de faire oeuvre de vulgarisation, et, pour que nul n’en ignorât, d’inaugurer
une littérature!

Personne, au demeurant, n’était mieux qualifié que M. Hémet pour s’acquitter de cette tâche, dont il n’y a pas à se dissimuler les difficultés « d’essuyeur de plâtres ». Non seulement en raison de ses prédispositions personnelles, mais encore parce que, au cours d’une longue carrière exclusivement consacrée à la Publicité, tour à tour annoncier et annonceur, « conseiller » et « payeur », il lui a été donné d’envisager la question par les deux bouts de la lorgnette, d’en connaître les surprises et d’en
pénétrer le fin du fin.

Puisqu’on me fait, en général, la faveur d’admettre que je dois quelque peu m’y connaître, on voudra bien me croire si j’affirme qu’il me fait l’effet d’y avoir admirablement réussi.

Il faut lire ses pages si lumineuses et si fortes sur l’intuition des besoins du public (que la Publicité ne crée pas, sauf exception, mais qu’elle éveille ou qu’elle accouche), sur la « majorité relative » et le « potentiel d’intérêt », sur la limitation de la clientèle, sur le « phénomène de réceptivité », sur la loi de l’offre et de la demande (que la Publicité a pour fonction de corriger, sauf à la subir elle-même), sur la nécessité pour elle d’opérer dans « une atmosphère de sympathie », sur le rôle de « la
masse » en matière d’annonce, sur la distinction des deux publicités (la « Publicité directe, suggestive, à effet immédiat », et la « Publicité indirecte, obsédante, à effet différé »), etc., etc., pour se rendre compte des subtilités de cette science, des raffinements de cet art, et de la manière de s’en servir efficacement.

Quiconque s’intéresse à la Publicité, sous un titre quelconque, fût-ce par dilettantisme pur, comme on s’intéresse à un fait historique ou à un phénomène social, trouvera, là pâture à son goût. Il est même certain chapitre où sont analysées à traits rapides, mais de main de maître, les passions diverses (la curiosité, l’intérêt, la vanité, le sentiment delà propriété ou de la possession, la crédulité, la confiance, la pusillanimité, la cupidité), que je me permets de recommander aux ps3rchologues professionnels. Tout cela en une langue simple et claire, où se reconnaît l’homme qui, entraîné à calculer la valeur et la portée des mots, n’en emploie jamais d’inutiles ni d’impropres, et qui a vécu ses doctrines.

Le Traité Pratique de Publicité n’est pas seulement un livre utile : c’est un beau livre, car il fait penser, et je ne suis pas peu fier d’en avoir été choisi pour parrain par l’auteur. Son apparition consacre définitivement l’élévation en France, au rang d’institution économique et sociale, d’une forme de l’activité humaine trop longtemps abandonnée, sans critérium et sans méthode, aux caprices de la fantaisie individuelle.

La Publicité avait déjà ses maîtres et ses artistes, mais ils opéraient pour leur propre compte, comme qui dirait en court-circuit. Il lui manquait un évangile : M. HÉMET s’est chargé de le lui fournir.

N’oublions pas cependant que le plus génial manuel de stratégie ne suffit pas toujours pour gagner la bataille !

Emile GAUTIER. (préface)

Bucarest - Calea Victoriei - 15-03-2008 - 18h35
photo credit: Panoramas

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source :

Titre : Traité pratique de publicité commerciale et industrielle. Le mécanisme de la publicité avec diverses applications / D. C. A. Hémet,… ; avec une préface de Emile Gautier

Auteur : Hemet, D.C.A (1866-1916)

Éditeur : “la Publicité” (Paris)

Date d’édition : 1922

Contributeur : Gautier, Émile (1852-1937). Préfacier

Contributeur : Angé, Louis. Éditeur scientifique

Type : monographie imprimée

Une boutique à Paris sous le second Empire

La boutique de lingère de Nana

Brusquement, en deux jours, tout fut terminé, les peintures vernies, le papier collé, les saletés jetées au tombereau. Les ouvriers avaient bâclé ça comme en se jouant, sifflant sur leurs échelles, chantant à étourdir le quartier.

L’emménagement eut lieu tout de suite. Gervaise, les premiers jours, éprouvait des joies d’enfant, quand elle traversait la rue, en rentrant d’une commission. Elle s’attardait, souriait à son chez elle.

De loin, au milieu de la file noire des autres devantures, sa boutique lui apparaissait toute claire, d’une gaieté neuve, avec son enseigne bleu tendre, où les mots : Blanchisseuse de fin, étaient peints en grandes lettres jaunes. Dans la vitrine, fermée au fond par de petits rideaux de mousseline, tapissée de papier bleu pour faire valoir la blancheur du linge, des chemises d’homme restaient en montre, des bonnets de femme pendaient, les brides nouées à des fils de laiton. Et elle trouvait sa boutique jolie, couleur du ciel.

Dedans, on entrait encore dans du bleu ; le papier, qui imitait une perse Pompadour, représentait une treille où couraient des liserons ; l’établi, une immense table tenant les deux tiers de la pièce, garni d’une épaisse couverture, se drapait d’un bout de cretonne à grands ramages bleuâtres, pour cacher les tréteaux. Gervaise s’asseyait sur un tabouret, soufflait un peu de contentement, heureuse de cette belle propreté, couvant des yeux ses outils neufs. Mais son premier regard allait toujours à sa mécanique, un poêle de fonte, où dix fers pouvaient chauffer à la fois, rangés autour du foyer, sur des plaques obliques. Elle venait se mettre à genoux, regardait avec la continuelle peur que sa petite bête d’apprentie ne fît éclater la fonte, en fourrant trop de coke.

Derrière la boutique, le logement était très convenable. Les Coupeau couchaient dans la première chambre, où l’on faisait la cuisine et où l’on mangeait ; une porte, au fond, ouvrait sur la cour de la maison.

Le lit de Nana se trouvait dans la chambre de droite, un grand cabinet, qui recevait le jour par une lucarne ronde, près du plafond.

Quant à Étienne, il partageait la chambre de gauche avec le linge sale, dont d’énormes tas traînaient toujours sur le plancher.

Pourtant, il y avait un inconvénient, les Coupeau ne voulaient pas en convenir d’abord ; mais les murs pissaient l’humidité, et on ne voyait plus clair dès trois heures de l’après-midi.

Dans le quartier, la nouvelle boutique produisit une grosse émotion. On accusa les Coupeau d’aller trop vite et de faire des embarras. Ils avaient, en effet, dépensé les cinq cents francs des Goujet en installation, sans garder même de quoi vivre une quinzaine, comme ils se l’étaient promis. Le matin où Gervaise enleva ses volets pour la première fois, elle avait juste six francs dans son porte-monnaie.

Mais elle n’était pas en peine, les pratiques arrivaient, ses affaires s’annonçaient très bien. Huit jours plus tard, le samedi, avant de se coucher, elle resta deux heures à calculer, sur un bout de papier ; et elle réveilla Coupeau, la mine luisante, pour lui dire qu’il y avait des mille et des cents à gagner, si l’on était raisonnable.

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photo credit: michale

Source : Emile ZOLA, l’Assommoir (transcription site http://www.inlibroveritas.net/)

Le poseur d’affiche sous la restauration (1829)

L’afficheur sous la restauration (règne de Charles X)

« Dans presque toutes les communes rurales, c’est un Garde-champêtre ou un Appariteur de police qui est chargé de placarder les affiches, soit émanées des autorités publiques, soit publiées par les notaires ou par d’autres particuliers.

288. Aucun individu, même un-Garde-champêtre, ne peut être afficheur sans avoir été désigné par le Maire, sous les peines portées dans l’article 290 du Code pénal.(*)’.

289. Avant de placarder les affiches des particuliers, l’Afficheur doit prendre la permission du Maire (loi du 13 novembre 1791) qui vérifie s’il n’existe aucune contravention soit sous le rapport de la police, soit pour le, timbre ou la couleur du papier. (Art. 65 de la loi du 28 avril 1816. — Art. 77 de
la loi du 25 mars 1817.)

(*) « Tout individu qui, sans y avoir été autorisé par la police, fera le métier de crieur ou afficheur d’écrits imprimes, dessins ou gravures, même munis des noms d’auteur, im« primeur, dessinateur ou graveur, sera puni d’un emprisonnement de six jours à deux mois»

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Source