textes et sources

Les places de négoce : le marché

Le marché de l’Antiquité au moyen-Age

Antiquité romaine.

“Primitivement le macellum ou marché se confondait avec le forum. Plus tard, quand la vie publique eut encombré le forum romain, et que d’ailleurs le développement de la ville exigea des approvisionnements considérables, il y eut plusieurs marchés où les denrées se vendaient par spécialités, d’où chaque forum tirait son nom. C’est ainsi que l’on eut le forum boarium (où l’on vendait les bœufs), le forum vinurium (pour le vin), piscaiorium (pour le poisson), le forum ou macellum cupedinis, où l’on vendait les plus fins comestibles et les mets tout cuits et prêts à emporter. Mais peu à peu ces marchés locaux et spéciaux firent place à de vastes halles qui reçurent communément le nom de macellum, et où l’on vendait de tout (Varron, De Ling. latV, 1-47).

On connaît notamment le macellum magum sur le Cœlius (Curiomm Urbis, Reg. Il), sans doute le même que le macellum Augusti restauré ou embelli par Néron, le macellum Livae sur l’Esquilin (Curiosum Urbis, Reg. V) appelé aussi forum Esquilinum, car cette antique appellation ne disparaît pas entièrement (Lanciani, Anciens Rome in the light-of recenl Discoveries, p. 152). Il est probable que chaque quartier de la ville eut son macellum (Acro ap. Ilorat., Serm. I, 6,118 ; Jordan, Topographie der Stadt Rom im Alterthum, II, p. 115). Lorsque l’on promulguait des lois somptuaires, des gardes spéciaux étaient affectés au service des marchés et devaient confisquer les denrées interdites (Suétone, Jul., 43).

André Baudrillart.

Architecture.

Place affectée, dans les villes, à la vente des denrées et autres objets nécessaires à l’existence. Les premiers marchés furent établis le plus souvent sans abris ou tout au moins sans abris disposés suivant un plan uniforme ; mais peu à peu, on prit l’habitude, dès l’antiquité, de réserver autour des places servant de marchés des portiques au rez-de-chaussée des maisons avoisinantes et plus tard enfin on construisit de véritables édifices de bois, puis de pierre, largement ouverts à leur partie inférieure et dans lesquels allaient et venaient les marchands qui y exposaient et vendaient leurs denrées. L’agora chez les Grecs, le forum chez les Romains, et, de nos jours, le bazar, chez les Orientaux, répondent à ce que nous appelons marché, tandis que le mot halle indique plutôt une sorte de marché central, pour une ville ou pour un quartier d’une grande ville, marché réunissant plusieurs genres do commerce. (Au XIXe siècle), l’emploi du métal, comme élément principal de la construction des marchés et des halles, a permis de leur donner des dimensions et des proportions jusqu’alors peu usitées et a créé, pour ces édifices comme pour les docks et les gares de chemins de fer, une architecture métallique, caractéristique des progrès de l’art et de la science au XIXe siècle.

Droit administratif.

Au sens restreint du mot, les marchés ou halles sont les constructions édifices sur les places publiques où se réunissent, à des dates fixées, les marchands, pour les abriter eux et leurs marchandises. Mais l’emploi du mot marché s’est étendu aux emplacements eux-mêmes, à l’ensemble des marchands et désigne aujourd’hui, d’une façon générale, les réunions régulièrement tenues parles marchands à des jours et henres déterminés. On les distingue en foires ouvertes au commerce de toutes espèces de marchandises ; marchés aux ‘bestiaux, réservés aux animaux vivants; marchés d’approvisionnement pour les denrées alimentaires, comestibles de toutes natures, matières premières et ustensiles, nécessaires à la population locale.

Etablissement. — Dès le XIIe siècle, on se préoccupa d’en réglementer l’établissement et la tenue. Au roi seul appartenait le droit d’en autoriser l’établissement. Les seigneurs faisaient construire et aménager les halles, les faisaient surveiller et étaient autorisés à percevoir des droits de hallage et de plaçage. Des ordonnances royales avaient créé les oflfcesde mesureurs, vendeurs, peseurs,etc. La Révolution enleva ce droit aux seigneurs, ne leur laissant que la propriété des bâtiments qu’ils avaient construits: mais la loi des 45-28 mars 1790 décida qu’ils devraient s’entendre avec les municipalités pour les leur vendre ou louer.

Plus tard, la loi des 46-24 août 4790 confia aux corps municipaux la police et l’approvisionnement des halles et marchés en même temps que l’inspection de la fidélité du débit et de la salubrité des denrées qui y étaient vendues. Pour Paris, les arrêtés des consuls du 42 messidor an VIII et 3 brumaire an IX donnaient au préfet de police les pouvoirs confiés aux municipalités. Les délibérations des municipalités concernant l’établissement ou la suppression des halles devaient être soumises à l’approbation d’une autorité supérieure. Sous les arrêtés des consuls duu 7 thermidor an VIII, c’était aux consuls que ce droit d’approbation appartenait, après avis du préfet et du ministre de l’intérieur, ou à celui-ci avec l’avis du préfet, quand il ne s’agissait que de simples marchés d’approvisionnement. Les articles 68 et 97 de la loi du 8 avr. 84 n’ont fait que confirmer, ainsi que l’avait déjà fait la loi du 24 juil. 1867, le droit des municipalités, réservant à l’autorité compétente l’approbation, sauf en ce qui concerne les marchés d’approvisionnement dont la réglementation est expressément laissée aux municipalités. Pour les autres marchés, le projet, une fois arrêté par la municipalité, doit être mis à l’enquête. Celle-ci doit réunir l’avis de toutes les communes situées dans un rayon de 2 myriamètres.

Le résultat en est transmis avec les avis des conseils d’arrondissement et général prescrits par les art. 6 et 41 de la loi du 20 mai 1838 au préfet. Sous l’empire des décrets du 25 mars 1852 sur la décentralisation, c’était à celui-ci qu’il appartenait de donner ou de refuser l’approbation à la délibération de la municipalité. Ce droit fut enlevé au préfet et transporté au conseil général par l’art. 46, § 24, de la loi du 40 août 1874. L’obligation do consulter le préfet du département voisin, inscrite dans le décret du 43 août 1864, fut transformée par la loi du 46 septembre 1879 en obligation de consulter le conseil général de ce département lorsque l’enquête préalable s’étend sur des communes en dépendant. Mais celui-ci n’a pas le droit de s’opposer à l’établissement ou à la suppression de marché projeté. Le conseil général du département intéressé reste libre de statuer comme il l’entend, malgré toute opposition.”

Alkmaar cheese market
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Source : Gallica

Une fonction capitale : le changeur

Le changeur au moyen-Age

Changeur au vu du droit d’ancien Régime

Les changeurs étaient des officiers chargés de recevoir dans les différentes villes des monnaies anciennes, défectueuses, étrangères, hors de cours, et de les payer en espèces courantes à ceux qui les leur apportaient. Ils devaient, en outre, remettre aux hôtels des monnaies les espèces ainsi reçues et aussi toutes les matières d’or et d’argent qu’ils avaient achetées. Les documents latins du moyen âge désignent le changeur par les noms de nummularius, campsor, cambitor, trapezeta. Le métier de changeur ne fut libre qu’exceptionnellement, par exemple quand Louis XI, pour développer le commerce, déclara en 4462 que l’exercice du change serait libre aux foires de Lyon pour « toutes gens de quelque estât, nation ou condition qu’ils soient fréquentans les dites foires, excepté les Anglois ». Mais la règle était que les changeurs fussent établis et surveillés par le pouvoir souverain. Les soigneurs justiciers, une fois qu’ils se furent rendus maîtres des droits régaliens, levèrent des redevances sur les tables de changeurs, se réservèrent ou, au contraire, abandonnèrent le droit d’établir ces tables, les vendirent ou les donnèrent. Pour citer quelques exemples, vers 1050,In comtesse d’Anjou, Agnès, accorda au monastère de Saint-Jean-d’Angély le privilège d’établir des tables de changeurs partout où bon lui semblerait dans l’étendue de son territoire. En 1154, Henri, comte de Champagne, confirma aux religieux de Saint-Ayoul de Provins, une rente de quarante sols qu’ils possédaient sur les tables des changeurs aux foires de Champagne. A ces foires, les changeurs étaient établis par les gardes, qui représentaient le comte. Au XIVe siècle, les changeurs étaient nommes par le roi et les généraux maîtres des monnaies ; on exigeait d’eux un stage de trois ans au moins chez un changeur. Ils étaient placés sous la surveillance et la juridiction de la chambre des monnaies. En 1443, l’évêque de Paris ayant fait citer devant lui les changeurs de Paris pour avoir vendu pendant des jours de fêtes, Charles VII interdit à l’évêque d’exercer aucune juridiction sur les changeurs, réservant la connaissance des causes où ils étaient impliqués à la chambre des monnaies. Après l’érection de cette chambre on cour souveraine, elle fut confirmée dans ce droit de juridictions par l’édit donné à Fontainebleau en janvier 1351 ; l’art. 5 porte : « La Cour des monnoies connoitra sans appel et on dernier ressort, privativement à tous juges, soit des cours souveraines, chambres des comptes et autres juges du royaume, des fautes et malversations commises et qui se commettront par les changeurs et autres justiciables y dénommés. » Cette juridiction fut plusieurs fois confirmée et en dernier lieu par édit donné à Saint-Germain en déc. 1638. L’ordonnance de Mois du 19 mars 1540, art. 23, ordonna aux généraux des monnaies, & Paris et aux baillis et sénéchaux dans les aultres lieux, de visiter chaque mois les maisons de changeurs. Un arrêt du 17 juillet 1423 déclara que nul, dans le royaume de France, ne pourrait faire le change, sans congé du roi. En vertu de l’ordonnance de Louis XII, à Blois, en novembre 1506«, nul ne pouvait être changeur sans avoir obtenu des lettres du roi vérifiées par les généraux des monnaies; ce qui fut confirmé par François I”, à Nantouillet, le 5 mars 1332, et à Blois, le 19 mars 1540. Toutefois, par cette dernière ordonnance, le roi autorisa les généraux des monnaies à installer provisoirement des changeurs dans les lieux qui en manqueraient, à condition que ces changeurs se pourvoiraient de lettres royaux dans le délai d’un an. Henri II, « afin dec couper chemin aux fautes et abus, triages, billonnages, transports, rongneures, difformations et aultres malversations qui se commettent au fait des monnoyes, par lettres du 3 mars 1554 (1555, n. st.) érigea en titres d’offices toutes les charges des changeurs. Cet édit fut ronfirmé par Charles IX le 10 juilet 1371, puis par Henri III, qui dans son édit de mai 1580 déclara les offices de changeurs héréditaires et transmissibles aux héritiers en ligne directe, ou, à défaut d’enfants, à la veuve durant sa viduité. Les changeurs étaient en outre dispensés de prêter serment devant la cour des monnaies ; pour leur éviter les frais de déplacement, le roi leur permettait d’être reçus au serment par les baillis et sénéchaux. L’édit de 1380 limita le nombre des changeurs. Les offices de changeurs furent supprimés par édit de décembre 1601, puis rétablis en 1607, mais leur nombre diminué de moitié. A cité des changeurs titulaires, existaient des changeurs par commission établis par la cour des monnaies, la où elle les jugeait nécessaires, en vertu de l’ordonnance do 1350. Par édit du mois de juin 1696, Louis XIV révoqua toutes les commissions do changeurs et créa trois cents changeurs en titre d’office héréditaire.

Obligations des changeurs.

Les changeurs devaient exercer leur métier en public, sur un comptoir, appelé table ou liane, établi en plein air. A Paris, ils étaient établis depuis le commencement du XIVe siècle sur le Grand Pont, qui de là prit le nom de Pont au Change. Ils étaient tenus d’avoir de justes et bonnes balances avec le poids de marc et les diminutions étalonnées sur le poids original de France étant en la cour des monnaies; le tarif et évaluation des espèces, vaisselles et matières d’or et d’argent. Une des premières obligations des changeurs était de couper, ou de cisailler, pour employer l’expression des anciennes ordonnances, les espèces décriécs et de les porter dans un délai déterminé aux hôtels des monnaies. Ainsi, d’après l’édit de Henri IV, d’août 1607, les changeurs devaient remettre tous les trois mois aux hôtels des monnaies les espères décriées et les métaux précieux qu’ils avaient reçus, sous peine d’une amende do cent écus pour la première fois, et de la privation de leur office pour la seconde fois. L’édit de juin 1696 leur prescrivait d’envoyer chaque mois les matières, vaisselles et espèces, qu’ils avaient achetées. D’après le même édit, ils avaient « un registre coté et paraphé dans toutes les feuilles par le premier des présidents ou conseillers de la cour trouvé sur les lieux, ou juges-gardes des monnoies, et en leur absence, par le plus prochain juge royal des lieux que la cour a commis et commet à cet effet seulement, sans tirer à conséquence et sans frais, dans lequel ils écriront la qualité, la quantité et le poids des espèces, vaisselles et matières qui leur seront apportées avec les noms, surnoms et demeures de ceux qui les apporteront et le prix qu’ils en auront payé ». Les changeurs ne devaient pas se borner à recevoir les espèces décriées; ils étaient chargés de s’enquérir s’il y avait des particuliers qui retenaient ces espèces, et les faire saisir. D’après l’ordonnance de Blois, du 19 mars article 20, il était « défendu ans. changeurs de vendre aucun billon et matière d’or ny d’argent aux orfèvres, jovauliers ou autres qu’aux maistres particulièrs de nos monnoyes ou autre changeur pour le transporter ». Celte prohibition futt toujours maintenue jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et renouvelée spécialement par arrêt de la cour du 2 sept. 1738. Ils ne pouvaient posséder de fourneaux pour la fonte des métaux et lorsque le titre de ceux qui leur étaient présentés ne leur était pas connu, ils devaient les faire fondre à l’hôtel de la monnaie le plus rapproché.

Droits et privilèges des changeurs. (…)

Les changeurs avaient un monopole pour l’exercice de leur profession. L’ordonnance de 1555 avait, défendu à quelque autre personne que ce fût de faire change sous peine do punition corporelle et d’amende arbitraire.En revanche,les rois s’efforcèrent toujours d’interdire aux changeurs les opérations de banque. Ainsi, en 1271, des changeurs italiens furent autorises à s’établir à Nîmes à condition de ne pas faire de prêts d’argent. Mais en 1247, un certain Gallart de Lart, changeur des foires de Champagne, apparaît comme le chef d’une société qui prêtait de l’argent au comte Thibaud. L’édit d’août 1555 autorisa les changeurs il faire la banque ; mais cette permission leur fut retirée en 1571, puis rendue par l’édit de mai 1580.

Les changeurs ont toujours joui d’importants privilèges. Ainsi, ceux qui venaient aux foires de Champagne et qui étaient sujets du comte de Champagne étaient dispensés du service personnel d’host et de chevauchée pendant la durée des foires. A Montpellier, l’un des consuls était choisi parmi les changeurs. C’était souvent, d’ailleurs, des personnages assez considérables. Ainsi, en 1246, Girard de Nivelle, changeur de Troyes, était chambellan du roi de Navarre.. Henri III, par lettres du 29 décembre 1581, exempta les changeurs du royaume de France de toutes contributions paroissiales, des guets, des logements des gens de guerre, etc ..

Malta - Euros (Coins)
photo credit: marfis75

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Source

M Prou

Métiers sous l’ancien Régime : épicier

L’épicier du moyen-Age à la Renaissance

« L’épicier proprement dit fut primitivement chez nous le marchand de gros, l’épicier grossier (les Anglais désignent encore leur épicerie sous le nom de grocery). Il recevait de première main les drogues et les épices, et les vendait soit au détaillant, soit directement au consommateur.Le détaillant n’appartenait pas au corps de l’épicerie son nom officiel était regrattier il débitait, non seulement de l’épicerie, mais du pain, du sel, du fromage, des œufs, du poisson de mer, de la volaille, du gibier. Il pouvait être établi en boutique, mais le plus souvent il était marchand ambulant et, depuis le matin jusqu’au couvre-feu, il allait par les rues joignant sa mélopée aux autres crieries de Paris. L’acheteur qui se respectait faisait ses emplettes chez l’épicier. Mais à petite bourse petit marchand le menu peuple accordait ses préférences à l’éventaire du regrattier; il le trouvait à sa portée et répondait à l’appel.

Le regrattier ne put forcer les cadres de l’épicerie aussi longtemps que les monopoles subsistèrent; mais, après la Révolution, le premier venu, pourvu qu’il payât patente, eut les mêmes droits que les anciens maîtres, put prendre le même titre qu’eux, et les intrus, les parvenus de l’épicerie, se multipliant dans toute la ville, en relations de chaque jour avec leurs voisins, sans cesse sous leurs yeux, il devinrent pour ainsi dire le type consacré de l’épicier aussi s ont-ils fait déchoir l’épicerie dans l’opinion il n’est pas de t mot auquel s’attache moins de prestige qu’au mot épicier, et beaucoup d’épiciers même ont la faiblesse de désavouer leur état, de s’appeler négociants en denrées coloniales, et d’ériger leur boutique en maison d’approvisionnement.

(…)Il faut ici voir l’épicerie sous ses différentes formes, et tenir à la fois compte du gros et du et petit négoce. L’épicier grossier, pour qui sans doute le commerce du gros n’excluait pas le détail, est le prédécesseur e direct des marchands qui continuent encore le même commerce dans le quartier adopté par l’épicerie dès le moyen âge. Fixée définitivement dans la rue des Lombards et aux environs, elle y a assez fidèlement gardé sa physionomie première. Le magasin n’a pas fait de concession au luxe la nécessité ne s’en imposait pas les caisses, les fûts, les ballots ne laissent d’ailleurs aucun mur libre pour le décorateur. Sans doute, le local a dû être élargi pour répondre à l’importance des affaires et à la multiplicité croissante des opérations l’étroite façade du moyen âge avec sa fenêtre unique, dont le bord recevait l’étalage et l’auvent sous lequel le marchand traitait avec l’acheteur, a dû disparaître mais la maison a gardé ses titres de noblesse commerciale représentés par des enseignes séculaires. Le Centaure, la Barbe d’Or, le Bras d’Or, le Soleil d’Or, l’Image de Notre-Dame rappellent l’époque où. les maisons ne portaient pas encore de numéros le Mortier d’Or date au moins du XVe siècle. Villon, dans son Petit Testament, lui réserve un legs. Dans ces parages, se sont de tout temps réalisées de grosses fortunes. En 1470, Louis XI ne trouve rien de mieux pour son hôte, Alphonse V, roi de Portugal, que de l’installer dans le logis de l’épicier Laurent Herbelot, rue des Prouvaires.

L’épicier fut, jusqu’au XVe siècle, épicier-apothicaire, et put cumuler sans réclamations ni inconvénients tant que la pharmacopée, tout empirique, se réduisit à une sorte de routine, l’apprentissage tenait lieu d’études théoriques. (…) Certains apprêts, certaines boissons mentionnées dans les menus gothiques relèvent-ils de la médecine ou de l’art culinaire? Il est telle recette formulée par le codex dont on ne saurait dire si elle est à l’intention du malade ou du gourmet. Platon récrimine contre trois arts, selon lui pernicieux et criminels au premier chef, et chacun, par malheur, est le faux frère d’un art bienfaisant et honnête. La sophistique corruptrice a un air de famille avec la saine philosophie; la parfumerie, à l’aide de ses artifices, fait concurrence à la beauté mâle, saine, sincère, fille de la gymnastique; la cuisine, avec ses raffinements meurtriers, est aussi malfaisante pour le corps que la médecine lui est secourable. Mais le moyen âge s’écoula avant qu’on établit un cordon sanitaire entre la gastronomie et la thérapeutique. Le laboratoire fut aussi cuisine la même main puisa à peu près dans les mêmes tiroirs et les mêmes bocaux poison et contrepoison. Voici les liqueurs présentées au moment des épices avec ses dragées et ses confitures, le praticien apportait son vin herbe, parfumé aux infusions de plantes. S y y avait ajouté les aromates d’Asie, la liqueur était dite piment, ou nectar les piments les plus renommés, le clairet et l’hypocras, en vogue même au XVIIe siècle, étaient parfumés à grand renfort d’épices. Comme les convives de jadis, tout gros mangeurs qu’ils fussent, faiblissaient à la fin des repas démesurés, il leur fallait attiser le feu nécessaire à la « concoction », en prenant certaines mixtures où entraient, par exemple, la sauge, le gingembre, la cardamone, la cannelle, le safran pulvérisés. D’autres conseillaient aux estomacs délabrés le fenouil combiné avec jus de citron, coriandre, conserve de roses, mastic, cannelle. Plus tard, l’eau-de-vie, d’abord vénérée comme une panacée universelle, passera de la fiole aux potions dans le flacon du gourmet; mais ce sera toujours sous le couvert de l’apothicaire.

Dès le XVe siècle, la chimie médicale avait fait assez de progrès pour que le divorce de la pharmacie et de l’épicerie s’imposât s’il ne fut définitivement prononcé qu’en 1777, lorsque le Collège de pharmacie s’ouvrit rue de l’Arbalète, il avait déjà été précédé d’une séparation légale. La difficulté était de régler les droits de chaque partie; mais, à partir du règne de Charles VIII, épiciers-droguistes et apothicaires sont bien distincts. La tendance de plus en plus prononcée est de réduire l’épicerie au commerce des moyen matières premières ou drogues simples, sans le droit de et aux procéder aux pesées médicales, au dosage ou à la confection des médicaments. A partir de 1777, les pharmaciens forment enfin un corps absolument séparé. Leur monopole s survécut à l’ancien régime, et il fut le seul; le nouveau code lui donna une nouvelle consécration.

Mais les épiciers, battus en brèche du côté de la pharmacie, n’avaient pas attendu la Révolution pour s’indemniser d’un autre côté ils transformèrent peu à peu leur négoce en spéculant, dès le XVIIe siècle, sur la commodité que trouve l’acheteur à faire ses emplettes dans un même magasin. Dès 1620, ils vendirent du fer ouvré et non ouvré, du charbon de terre, même. Cependant, pour chacun de leurs empiétements, ils durent se soumettre à des conditions protectrices des droits et des intérêts respectifs en 1731, ils sont autorisés à vendre ratafias, eaux de senteur, fruits à l’eau-de-vie mais ils les livrent par bouteilles pour ne pas faire tort aux limonadiers ; de même, ils doivent fournir le café non brûlé, le thé en feuilles et non en infusion, mais ils conquièrent le droit de faire boire de l’eau-de-vie et des liqueurs même à leur comptoir. En 1740,ils tiennent les légumes secs en gros et en détail, mais avec obligation d’en porter un tiers aux halles et interdiction de les tirer d’un rayon moindre de vingt lieues autour de Paris. Avec des restrictions analogues, ils continuèrent d’annexer les commerces les plus divers; tandis que les jambons et autres viandes de porc en provenance de Bordeaux, Bayonne, Mayence ou ailleurs ne devront pas sortir de leurs magasins autrement que par tonnes, le papier, au contraire, ne s’y écoulera qu’au cahier ou à la main, et non à la rame. La provision de vinaigre ne dépassera pas trente pintes et sera débitée pinte par pinte. Pour être libres de vendre les couleurs broyées et non plus brutes, plusieurs épiciers se firent recevoir peintres. La Révolution les affranchit de toutes ces gênes ils ne furent plus tenus de respecter que les droits du pharmacien et ceux de l’herboriste. Les règlements du 21 germinal an XI assurèrent définitivement au seul pharmacien la vente des médicaments préparés et des substances vénéneuses, au seul herboriste celle des herbes et substances médicinales inoffensives, et l’épicier n’obtint de tolérance que pour les farines de graine de lin et de moutarde, la gomme et les sirops où elle entre, ces substances étant à double fin et pouvant être réclamées pour l’usage domestique. Corporations des épiciers-apothicaires. Avant d’en venir à l’épicerie contemporaine, il est nécessaire de jeter un coup d’œil rétrospectif sur l’ancienne organisation de l’épicerie considérée comme corps de métier.

Les épiciers-apothicaires, parmi lesquels étaient compris également les droguistes, les confiseurs-confituriers, les ciriers-ciergiers, formaient la seconde des six grandes corporations marchandes, sorte d’aristocratie industrielle reconnue par la municipalité. Depuis 1484, ils avaient la garde des poids et mesures ils conservaient dans la maison de la rue des Lombards dite le Poids du Roi l’étalon royal qui, tous les six ans, se vérifiait à la Monnaie sur les matrices originales. Celles-ci étaient gardées sous quatre clefs; elles étaient en cuivre très fin, d’un travail estimé, et l’on aimait à croire qu’elles dataient de Charlemagne. Le bureau de l’épicerie était au cloître Sainte-Opportune. Voici, d’après l’armorial de 1696, la description des armes qu’elle avait été autorisée à prendre « D’azur à un dextrochère (main droite) d’argent mouvant d’une nuée de même, et tenant des balances d’or, à deux navires de gueules équipés d’azur semé de fleurs de lis d’or, posés l’un contre l’autre, flottant sur une mer de sinople et accompagnés de deux étoiles à cinq rais de gueules. » La devise Lances et posera servant (ils gardent les balances et les poids) surmontait l’écu. Le nombre des navires indiquait le rang parmi les métiers ainsi, les drapiers, le premier des cinq corps, n’en avaient qu’un. La communauté était régie par six jurés, moitié épiciers, moitié apothicaires, chargés de veiller à l’observation des statuts. Pour être admis à la maîtrise, il fallait avoir été trois ans apprenti, trois ans serviteur ou garçon; la corporation était une garantie d’aptitude, de probité, une association d’assistance mutuelle, une protection pour l’apprenti et le garçon qui devaient être paternellement surveillés, paternellement traités. Par malheur pour les épiciers, à dater du jour où l’apothicairerie trouva mal assortie l’union des deux métiers en un seul corps, ils cessèrent d’y être traités sur un pied d’égalité, et, à chaque conflit, subirent un échec dans les réunions communes, la prépondérance fut assurée à leurs rivaux ceux-ci refusaient la participation du juré épicier à l’examen du chef-d’œuvre que leurs candidats à la maîtrise élaboraient sous les yeux des experts; pareille épreuve n’existant pas pour les épiciers, on les trouvait disqualifiés pour siéger dans une commission d’examen. D’autre part, les gardes apothicaires furent investis du droit de visiter b droguerie chez leurs adversaires et ils exercèrent ce droit avec rigueur, n’hésitant pas à prononcer, contre toute infraction aux règlements, l’amende et la suspension de six mois Sous l’ancien régime, l’association commerciale se doublait presque toujours d’une association religieuse dite confrérie. La confrérie des épiciers-apothicaires avait son siège aux Augustins, où se tenait en outre l’assemblée générale de la corporation. Elle s’était donné pour patron un saint qui avait obtenu ses grandes lettres de naturalisation parisienne depuis qu’un aventurier normand avait, par un rapt pieux, enlevé ses reliques à une église d’Orient, sain Nicolas. L’épicerie, dont les plus précieuses denrées étaient de provenance orientale, comme les restes vénérés, ni pouvait mieux faire que de se placer sous la sauvegarde de saint Nicolas, déjà protecteur de la batellerie. L’orthodoxie du corps exigeait de tous ses affiliés, outre la qualité de Français ou naturalisé tel, une profession de foi catholique. Parmi eux, le calvinisme ne dut pas recruter de nombreux prosélytes. Un riche marchand de la rue Saint-Denis, Gastine, tint bien dans son logis une assemblé de huguenots, mais rien ne prouve qu’il fût épicier, et le quartier vit avec transports brûler l’hérétique et raser sa maison. Avec la majorité de la bourgeoisie, les épiciers épousent la cause de la Ligue mais ils ne tardent pas à se refroidir, et il en est plus d’un et qui prononce un « date pacem » en soupirant (Satir Ménippée).. »

Montréal, janvier 1976. Rue Villeneuve angle De Bullion.
photo credit: DubyDub2009

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Source : Grande Encyclopédie

Métiers sous l’ancien Régime : tailleur d’habits

Les métiers de France, tailleurs d’habit à Paris du moyen-age au XVIIIe siècle.

Vitrine de Noël - Galeries Lafayette - 13-12-2008 - 8h53
photo credit: Panoramas

Les métiers du vêtement ont formé plusieurs communautés d’ouvriers, établies dès le XIIIe siècle, d’après les spécialités de travail ou les noms des vêtements. Ce sont les conréeurs ou apprêteurs de robes, les tailleurs de robes, couturiers, doubletiers, pourpointiers, juponniers; les chaussiers ou chaussetiers, les braliers de fil, les bonnetiers et autres ouvriers en tricot; les fripiers ayant le droit de réparer et retoucher les vieux habits; enfin certains armuriers fabricants de cuissards et cottes de mailles, doublés d’étoffes et de molleton à disposer en manière d’habillement. Les conréeurs de robes ont disparu après les règlements donnés par le prévôt Jehan de Marle, en 1392, qui ouvrent notre série; ce texte est resté isolé, comme beaucoup d’autres, sans servir à une association spéciale. Le livre d’Etienne Roileau, la Taille de Paris de 1292 mentionnent accidentellement des conréeurs, en les appliquant à la préparation plutôt des cuirs que des étoffes.

Les couturiers, fréquemment cités dans les règlements et les procès, formaient une partie importante du métier, à titre d’ouvriers couseurs, le travail de la coupe étant fait par le maître tailleur; ils n’ont jamais constitué une communauté séparée, ni laissé aucune trace de règlements. Les doubletiers formaient au même titre une catégorie de valets tailleurs. Les chaussiers qui faisaient les hauts et les bas de chausses ont toujours été en dehors et ont fusionné, au XVIIe siècle, avec les drapiers. Quant aux pourpointiers confectionnant le vêtement court, à la mode au XIVe siècle, ils ont profité de leur spécialité pour s’affranchir des tailleurs dont ils étaient une fraction; mais, en somme, le métier des tailleurs domine toujours et ne perd aucun droit sur tous les genres de confections. Ils ont aussi gardé sous leur dépendance absolue le travail des couturières, comme nos grands couturiers d’aujourd’hui. C’est seulement en 1675, lorsque la mode et la toilette se sont répandues dans les diverses classes de la société, que les maîtresses couturières obtinrent d’être érigées en métier juré.

Au Livre d’Etienne Boileau, les règlements des tailleurs de robes ont dix articles. Les robes étaient alors des costumes pour hommes, variant d’étoffe et d’ornementation selon les individus, mais à peu près de la même forme ample et longue, composée de plusieurs “garnements».

La coupe est réservée aux maîtres tailleurs, la couture est faite par les valets couturiers; le métier important et distingué demande le privilège de l’exemption du guet.

De nouveaux règlements sont rendus peu de temps après Boileau, en 1294. On y trouve les noms des grands tailleurs de l’époque, celui du Roi, de la Reine, de leurs enfants, des princes, de l’évêque de Paris, etc., quatre-vingts maîtres des plus importants de la communauté. Ces articles,” comme ceux d’Etienne Boileau, sont peu étendus. Le prévôt nommera les maîtres; tout le travail se fera en vue dans l’atelier et non dans une chambre dissimulée aux regards du public. Les fripiers se borneront à réparer le vieux, les tailleurs à faire le neuf. Il y aura trois jurés établis dans des quartiers différents. Les statuts de Boileau restaient en vigueur sur les autres points.

En 1358, une réclamation émane des valets couturiers pour obtenir l’autorisation de confectionner des doublets sans avoir à passer par les maîtres tailleurs. Ils déclarent être aussi capables que les doubletiers sur la taille et la couture des doublets. On demande beaucoup, disent-ils, ce genre de vêtement; le peuple sera d’autant mieux servi, qu’il y aura augmentation du nombre d’ouvriers. Les couturiers et doubletiers faisaient encore partie des tailleurs de robes, tandis que les pourpointiers venaient d’être érigés en métier séparé depuis l’année 1323. Cette faveur ne leur fut pas accordée.

Le prévôt Jehan Bernier renouvela les statuts des tailleurs en neuf articles, par lettres du 1er décembre 1366. Il y a quatre jurés. On recherche les moyens d’éviter le tort causé au public par ignorance de coupe, la valeur de l’étoffe étant bien supérieure au prix de la façon. Pour être maître et prendre de l’ouvrage à son compte, il fallait être admis par les jurés, sauf
exception pour l’ouvrier occupé dans les maisons des seigneurs et pour la confection des vêtements d’enfants, qui n’étaient pas l’objet d’un privilège de tailleur. Selon l’usage, on livrait son étoffe au tailleur. Quand il manquait le vêtement, les jurés examinaient le défaut, et s’il provenait d’ignorance ou de négligence de sa part, le tailleur devait, en sus de l’amende, une indemnité à la personne.

Les doublets pour la vente devaient être garnis d’étoffes neuves en soie ou fil et non de laine ou d’étoupe. Sur commande, le tailleur pouvait les faire au gré de l’acheteur. La confrérie possédait une caisse de secours pour les maîtres pauvres. On accordait des dispenses de chômage pour les vêtements des princes, pour une noce, une assemblée de corps ou toute autre circonstance pressée. Ces statuts ont été confirmés pendant deux siècles avec des modifications portant seulement sur des points de détail. Plus encore que les autres, le métier de tailleur, exigeant de grands soins et des précautions minutieuses, semble préoccupé de la bonne confection et du zèle qu’il faut y apporter. La communauté, pour poursuivre ce but, ne voyait que les amendes. On  les augmente sur tous les points en 1402 et en 1467.

De 1506 à 1512, quelques contestations surgissent de la part des couturiers, ouvriers des tailleurs ; puis Henri III, par ses lettres patentes de juin 1583, renouvelle leurs statuts. Le métier y paraît avec tous ses privilèges. Il faut être reçu maître pour avoir le droit de s’occuper des habits et accoutrements d’hommes et de femmes. Si les métiers parisiens accusent tous la préoccupation de protéger leur travail et de l’interdire aux ouvriers indépendants d’une communauté, les tailleurs d’habits semblent être les plus tenaces à défendre leurs privilèges. Les tailleurs des princes attachés à leur maison doivent toujours les suivre et n’avoir ni chambres particulières, ni serviteurs, ni ateliers de maîtrise . Parmi les vêtements, le pourpoint semble avoir remplacé le doublet de 1366; on recommande les saies et casaques des gens d’armes à soigner pour la taille, la couture, l’assemblage en droit fil. L’article 29 expose l’état de la confrérie dans des termes vraiment touchants; fondée et érigée en 1402, elle est entretenue par les dons volontaires des ouvriers; sa caisse fournit d’abord les frais du culte, puis assure de grands secours aux maîtres et compagnons devenus pauvres, infirmes ou aveugles en travaillant
au métier. Les autres conditions sont les mêmes qu’auparavant, mais transcrites avec plus de détails, plus de clarté et de précision, permettant d’obtenir une exécution satisfaisante.

Quelques jours après l’enregistrement de ces statuts, les quatre jurés tailleurs obtinrent du Roi, par lettres d’octobre 1583, l’adjonction de huit bacheliers, élus dans les mêmes conditions que les jurés et destinés à les aider dans le travail des visites, très compliqué et très long depuis l’extension du métier dans tous les quartiers de Paris.

Nous avons remarqué une mesure semblable pour tous les corps de métier importants à la fin du XVIe siècle. Les tailleurs réunissaient sous leur administration presque tous les métiers du vêtement, les doubletiers, les pourpointiers et couturiers; ils commandaient sur beaucoup de points les fourreurs, les drapiers chaussetiers, les passementiers, les brodeurs; la plupart des fripiers faisaient fonctions de tailleur pour les étoffes défraîchies. C’était avant tout un travail consistant en façons particulières, variant à l’infini et exigeant des rapports continuels avec des gens de toute classe. Sans être dans les rangs de la hiérarchie ouvrière représentée par les Six Corps, ils devaient prendre une grande place parmi les métiers. Les rivalités, les empiètements, les concurrences ouvertes ou dissimulées étaient fréquentes, les distinctions subtiles. Les vêtements courts n’excédant pas les genoux appartenaient aux pourpointiers, tous les autres plus longs aux tailleurs; les chaussetiers faisaient les vêtements pour les jambes, comme nos culottiers. Avec les différences des modes, on conçoit qu’il était difficile de s’entendre. De plus, il n’y avait pas de métier spécial autorisé pour la toilette des femmes, qui appartenait à
la communauté des tailleurs.

La tendance à se grouper entre métiers semblables se montrait alors avec autant d’intérêt qu’on en avait mis, au moyen âge, à se diviser. Les deux communautés rivales des tailleurs et des pourpointiers tombèrent d’accord et formèrent une liste unique de tous leurs maîtres interdisant, par arrêt du Parlement du 7 septembre 1658, l’entrée dans le métier à tout étranger. L’union fut sanctionnée par un texte de statuts rendu en mai 1660, où le métier élargi et mieux constitué s’établit définitivement. Les tailleurs pourpointiers y affirment pour eux seuls le privilège de faire des habits d’hommes, femmes et enfants, à mesure et sans mesure, avec tous les enjolivements, suivant les termes des statuts de 1583.

Ils font les habits de ballet et de tragédie, les costumes de théâtre et des perfectionnements de toilette, tels que bourrelets, vertugadins, emboutissures. On parle des couturières déjà fort nombreuses dans le métier; il est question de maîtres et maîtresses, ce qui indique l’accession des femmes à la maîtrise. Les ouvriers non reçus dans le métier sont nommés chambrelans.

On employait des toiles cirées et autres étoffes pour doubler et protéger les habits. Mêmes peines pour les vêtements gâchés que pour l’exclusion des tailleurs particuliers des princes.  La question de la jurande devient de plus en plus lourde et embrouillée. Un grand garde était élu tous les deux ans pour représenter le métier. Le refus des jurés et maîtres de con-
frérie les rendait passibles d’une amende de 500 livres. Les quatre jurés sont assistés des anciens ayant passé par les charges et de huit bacheliers; on y ajoute encore les seize nouveaux élus par 120 maîtres pris en nombre égal dans les trois classes des anciens, modernes et jeunes.
Les maîtres s’élevant à 1,600, il eût été impossible, vu ce grand nombre, d’aboutir utilement à une élection. La confrérie dédiée à la sainte Trinité s’acquittait des offices et services des défunts, des secours à distribuer aux infirmes; les cotisations étaient de 30 sols pour les maîtres et de 15 pour les compagnons. Les lettres patentes constatent que les deux métiers ont rédigé ces statuts pour se réunir et éviter désormais les frais des contestations fréquentes.

Les offices furent unis à la communauté, les jurés pour 70,000 livres et, en 1745, les inspecteurs des jurés pour 120,000 livres. A la réorganisation de 1776, ils formèrent une communauté avec les fripiers d’habits et de vêtements, la maîtrise commune étant de 400 livres. Des statuts furent passés en 1784.

Les derniers actes sont des contestations sans fin de la part des passementiers à propos des boutons de drap et d’étoffes, à la main ou au métier, qui ont abouti à des désagréments parfois grotesques dont le public faisait les frais. Ils s’arrogeaient le droit de saisir les boutons, même sur les passants. Les bonnetiers, les boursiers de cuir et surtout les fripiers soutinrent aussi de multiples réclamations.

Les statuts des tailleurs d’habits ont été publiés en 1723, 1742 et 1763. Paris, Knapen, in-12.

Source :

Les métiers et corporations de la ville de Paris : XIVe-XVIIIe siècles. T3 / par René de Lespinasse,… , Imprimerie nationale (Paris),1886-1897

La devanture au XIXe siècle

La devanture de boutique ou de magasin

“Quoique le mot devanture puisse, comme le mot devant, s’appliquer à la face antérieure de nombreux ouvrages de bâtiment, on l’emploie surtout pour désigner la clôture en menuiserie ou en serrurerie, garnie de vitres ou de glaces, qui fait saillie au-devant d’une boutique ou qui se trouve, mais plus rarement, comprise entre les feuillures d’une baie. Les devantures comprennent toujours le rez-de-chaussée, au bas duquel s’ouvre un châssis éclairant quand il y a lieu le sous-sol et parfois l’étage d’entresol elles se composent d’un soubassement plein, d’une partie largement à jour au-dessus et d’un entablement qui couronne la devanture et dont la frise reçoit les noms des négociants et la désignation de leur commerce.

Les parties vitrées des devantures de boutique étaient autrefois protégées la nuit par des volets séparés ou se repliant à charnière les uns sur les autres, et renfermés le jour dans des caissons disposés sur les côtés de la devanture mais aujourd’hui on remplace fréquemment les volets par des plaques de tôle descendant ou remontant les unes sur les autres ou par un système de fermeture en tôle cannelée pouvant s’enrouler à la partie supérieure, et les caissons, très réduits de largeur dans ce cas, ne servent plus qu’à loger le mécanisme permettant de mettre en mouvement la fermeture de la devanture. Une législation spéciale fixe le mode de construction des devantures de boutique et la plus grande saillie et la plus grande hauteur qu’elles peuvent avoir, ainsi que les droits à payer pour leur établissement ou leur réparation totale ou partielle.”

Charles Lucas.

José Corti
photo credit: @rgs

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Source BNF – Gallica